Accueilli a bras ouvert par les Américains grâce à son Cinquième élément, Luc Besson se penche sur l'histoire de son pays et l'une de ses plus célèbres figures de proue : la pucelle d'Orléans.
Jusqu'à aujourd'hui, Luc Besson a toujours été contemporain ou futuriste. En s'attaquant à Jeanne d'Arc, il plonge dans le passé médiéval et réalise son premier film d'époque. Une époque violente où les faibles n'ont pas leur place. Il commence tout naturellement son film par l'enfance de son héroïne. Cette petite bergère de Domrémy, sujette à des hallucinations vocales, se rend chez un prêtre pour lui faire part de ses troubles mystérieux. Après s'être fait entendre en confession, Jeanne rejoint ses moutons, ivre de bonheur. Elle se couche dans un pré. A son réveil, une immense épée gît à ses côté. Elle la prend dans ses mains et le ciel s'assombrit. Les Anglais sont en train de piller son village. Jeanne voit alors l'horreur en face. Sa sœur est transpercée contre une porte avant d'être sauvagement violée. On la retrouve quelques années plus tard. Après une longue insistance, elle parvient à rencontrer le Dauphin de France (John Malkovich). Croyant en elle, ce dernier lui offre une armée pour se rendre à Orléans. Avec l'aide des chefs de guerre se trouvant sur place, elle lève le siège de la ville. Puis, un beau jour de 1429, elle est accusée de sorcellerie et brûlée vive sur la place publique de Rouen. C'est ce destin exceptionnel que Luc Besson nous raconte à sa manière.
Bénéficiant d'un budget confortable et d'une infrastructure impressionnante, le cinéaste s'enlise très rapidement dans une imagerie saint-sulpicienne des plus naïves. Déjà victime de voix célestes, sa pauvre Jeanne est aussi la proie de visions traduites à l'écran par des effets spéciaux déplacés : on a à tout moment l'impression, soit qu'un vaisseau spatial va traverser le ciel, soit que le grand barbu qui est aux cieux se mettent à descendre de là-haut pour converser avec son élue. Toutes ces nombreuses séquences surnaturelles n'ont pas leur raison d'être. Besson insiste trop et alourdit son film par ces effets soutenus par des nappes musicales pesantes.
On lui pardonnerait volontiers ce faux-pas si sa Jeanne n'était pas hystérique. Milla Jovovich ne parvient jamais à souligner l'odeur de sainteté de son personnage. Elle joue les guerrières sur un seul registre : la masculinité. Elle se prend pour un homme dur qui ne fait aucune concession. Même avec une flèche ennemie logée dans la poitrine, elle continue à guerroyer ou à exhorter ses troupes. On a aussi du mal à saisir l'engouement des soldats pour cette bergère envoyée par Dieu pour sauver le Royaume de France. Là, Besson fait deux erreurs. Soit il aurait dû mieux exposer la foi qui régnait à cette époque où tout le monde était prêt à croire n'importe quoi, soit faire de sa Jeanne un être mystique et fascinant.
Pour ce qui est de la mise en scène proprement dite, Besson ne nous implique jamais dans ses combats. Là où on souffrait volontiers avec les Ecossais de Braveheart, on ne fait ici qu'assister à des batailles impersonnelles. Et le réalisateur a beau mêler sa caméra aux bagarres, la mayonnaise ne prend pas. On reste en dehors. On ne se sent ni impliqué, ni interpellé.