Évacuer d'entrée ce qui ne va pas : le choix de l'actrice principale, avec son physique de grande bourgeoise, ne colle pas.
Donc, il s'agit de trois jours dans la vie d'une femme au foyer à Bruxelles. Résumons (et j'exagère à peine) : une femme qui épluche des pommes de terre pendant trois heures. Étrangement, ce n'est pas aussi long qu'on pourrait le croire. Il y a un côté hypnotique à regarder ces actes du quotidien dans d'interminables plans fixes. Est-ce voulu par la réalisatrice ? Cela me semble improbable.
Chantal Akerman avait 25 ans lorsqu'elle a réalisé ce film. C'est l'âge où l'on produit ce genre d'œuvre radicale et, quand on lui a dit : « Mon Dieu, mais ça va être super ennuyeux », elle a sans doute répondu : « Tant pis. » Et c'est là que réside la radicalité : dans le « tant pis ».
L'aspect hypnotique du film, qui fait qu'on le regarde avec une relative facilité, parasite le concept initial. Ou bien est-ce justement cela, l'aliénation ? Je ne sais pas.
La mise en scène – que d'autres ont analysée bien mieux que moi – est en parfaite cohérence avec le sujet. Je me suis même surpris à revenir en arrière pour revoir une transition qui m'avait marqué. Encore une conséquence de ce caractère hypnotique du film.
La fin, que je trouve dommage – puisque le film se conclut par un meurtre –, trahit la jeunesse de la réalisatrice. Le film aurait gagné, à mon sens, à se terminer sans aucun événement marquant. Mais cela reste une opinion discutable, et un parti pris respectable. Car, malgré tout, le film est bon.
Cependant,
l'erreur fondamentale du film, qui cherche à représenter l'aliénation d'une (des) femme(s) au foyer dans un naturalisme clinique, est qu'il montre en réalité le fantasme de la femme au foyer selon Chantal Akerman. Cela y ressemble, certes. Mais l'abandon et la résignation y sont trop absolus pour être réalistes.
Ce film me fait penser à L'Arbre aux sabots, qui semble être son pendant exact : même structure, même durée, même chute brutale pour dénoncer des structures sociales. L'Arbre aux sabots est simplement la version communiste de Jeanne Dielman. Et lui aussi commet la même erreur : il ne montre pas les paysans de la fin du XIXᵉ siècle, mais un fantasme de paysans.
En conclusion,
Concept intéressant, film à voir, mais une erreur fondamentale : ce qu'il montre n'existe pas.
Quant à l'élection du film comme 'meilleur film de tous les temps', il s'agit évidemment d'une provocation où l'élite intellectuelle cherche à se démarquer de la populace en choisissant un film au sous-texte très actuel, tout en étant sûre que le commun des mortels ne pourra pas l'apprécier... Quel mépris !