Dans et autour de la boîte de nuit de Madame Jenny (Françoise Rosay), mi dancing, mi bordel, se croisent ou se querellent différents personnages dont on peut dire qu'ils sont, chacun à sa façon et en admettant que ce soit là l'impression voulue par les auteurs, des laissés pour compte de l'amour.
Benoît, éconduit par Jenny, et son homme de main bossu et laid, Jenny elle-même, bientôt abandonnée par son amant, et tous ces vieux riches qui cherchent une compagnie vénale semblent, à divers degrés, des êtres affectés par l'absence d'amour. Ce en quoi ils appartiennent pleinement à l'univers de Jacques Prévert.
Malheureusement, la mise en scène du premier film de Marcel Carné est incertaine, dispersée, et explore un sujet bien conventionnel où, paradoxalement, les figures de Prévert ont peu de personnalité. Même l'histoire d'amour qui nait aux abords du cabaret, comme une anomalie dans cet environnement désenchanté, manque de relief. Lucien (Albert Préjean) le gigolo soudainement amoureux, et Danielle (Lisette Lanvin), la fille de sa maitresse Jenny, ne donnent à leur amour aucune sincérité, aucune émotion. Et le quiproquo dramatique
(Jenny ignore que c'est sa fille qui lui a ravi son amant)
n'est que complaisamment mélo.
Cette collaboration entre Carné et Prévert ne fait que commencer et en appellera bien d'autres, beaucoup plus réussies.