L’errance à travers les montagnes rocheuses d’un citoyen reconverti en trappeur solitaire à la recherche, quel qu’en soit le prix, de sa propre identité.
Western initiatique dont la lenteur magistrale et les superbes silences sont parfois troués d’éclats incandescents, doublé d’une odyssée en solitaire filmée sans la moindre concession au stéréotypes du film d’aventure : Pollack retrouve ici la simplicité des récits de Conrad ou de Jack London. La construction cyclique de l’œuvre (le héros accomplit, dans la deuxième partie de son périple, un trajet rigoureusement symétrique de la première, jusqu’au superbe accord final de non-agression), la majesté du site naturel, le jeu contenu de Robert Redford, qui ne prononce pas 100 mots dans le film, tout concourt à la réussite de l’ensemble ou le réalisateur introduit dans l’horizon étroit du western une dimension proprement tellurique, en filmant sous toutes les coutures la véritable héroïne du film : la montagne, vertigineuse et omniprésente.
C’est que l’aventure telle que la conçoit Sidney Pollack est une aventure intérieure : l’homme a la recherche de ses racines, d’un pureté perdue. Dans « chasseurs de scalps »(1968) Burt Lancaster était un individualiste à tout crin qui avait un rapport quasi physique à la nature, ou il s’ébrouait en toute innocence. Jeremiah Jonson est de la même trempe, mais sa quête est plus noble, et son champs d’action est plus périlleux : il ne veut rien de moins que s’élever très haut au-dessus du monde soi-disant civilisé, jusqu’aux confins de l’absolu. La montagne lui fournit un tremplin ideal.Mais elle a ses lois et ses exigences, qu’il devra surmonter comme autant d’épreuves rituelles: de la manière de découper un daim ou un grizzli à la reconnaissance des coutumes indiennes, et à l’adoption de leur « sauvagerie ».Il s’enfonce dans ces lieux hostiles que le vieux trappeur appelle la « moelle du monde » et s’y régénère, à moins qu’il ne s’y consume d’une passion suicidaire. C’est la conquête de l’Amérique, version agnostique.