Désormais considéré comme un "classique du cinéma! écologique et humaniste, "Jeremiah Johnson" est surtout un film sombre, sans idéalisation superflue de cette nature qu'il célèbre. Recouvert d'une peau d'ours, sous les neiges de l'Utah, Redford est filmé à hauteur d'homme par Pollack : leur western initiatique consacre la beauté et la brutalité de l'Amérique encore en construction, où l'homme doit apprivoiser la nature, mais fait aussi figure de leçon politique.
Car, si "Jeremiah Johnson" se présente d'abord un récit d'initiation classique, l'histoire d'un apprentissage réussi (l'adaptation de l'homme à la nature sauvage), c'est le deuxième temps du film, celui de la transgression (ici la profanation d'un cimetierre indien) renvoyant notre héros à son errance, avant un final suffisamment ouvert pour que la noirceur ne noie pas définitivement l'impression de vitalité qui se dégage largement de "Jeremiah Johnson", qui s'avère la plus passionnante.
Oui, Pollack a réalisé ici, avec une impressionnante maîtrise du rythme et de la narration, l'un de ces films amples et profonds qui marquent la mémoire du spectateur, loin de toute simplification racoleuse et de toute dramatisation excessive... Ce qui s'appelle un grand film !
[Critique écrite en 2015, à partir de notes prises en 1972]