Il y a dans "Jerry Maguire" au moins une dizaine de scènes qui m'ont fait lever les yeux au ciel, soit autant de bonnes raisons de saquer le film.
En effet, le roublard Cameron Crowe ne recule devant aucune méthode litigieuse pour forcer le rire ou l'émotion, à commencer évidemment par ce gamin bien trop mignon (et encore, ça se discute) pour être honnête, avec force gros plans sur le visage attendri de sa môman, littéralement bou-le-ver-sée par la complicité qui se noue entre le beau Jerry et ce petit bonhomme qui a tant souffert.
Dans un film qui assume clairement ses valeurs typiquement américaines (argent, réussite sociale et matérielle, famille, accomplissement de soi, leadership…), les contradictions n'effraient pas le réalisateur californien : ainsi, il faut soi-disant privilégier l'authenticité au fric, mais la somme pharamineuse du contrat finalement signé fait monter les larmes aux yeux de Cuba Gooding Jr et de toute sa mi-fa lors d'un happy end complaisant.
D'autre part, sans être foncièrement ratée, la partie rom'com' n'est là que pour faire rêver les jeunes filles, tant l'amour soudain de l'agent ruiné pour sa secrétaire midinette (et surtout pour le fiston, semble-t-il) ressemble plus à un arrangement pratique qu'à un coup de foudre. D'ailleurs les personnages l'admettent eux-mêmes à un moment. C'est le genre de couple de ciné auquel je ne donne pas six mois dans la vie réelle.
Et pourtant, malgré tous ces défauts (je n'ai pas évoqué le jeu outrancier de Tom Cruise, les pudeurs de gazelle au moment de s'envoyer en l'air, etc...), je dois bien admettre que j'ai passé un moment agréable devant mon écran, sans regarder ma montre alors que "Jerry Maguire" s'étire au-delà des 2 heures.
C'est peut-être là le talent de Cameron Crowe, un réalisateur que beaucoup semblent apprécier : un sens de la narration, un montage efficace, le choix d'un univers intéressant (le monde des agents sportifs), et des personnages - légèrement - plus profonds qu'ils n'en ont l'air…
Puis je n'oublie pas que le film date de 1996, ce qui peut sans doute justifier certains excès.
Quant au déficit de vraisemblance, le parti-pris semble tout à fait assumé, "Jerry Maguire" faisant partie de ces films qui choisissent sciemment d'embellir la réalité, de rendre possible des choses qui ne surviendraient jamais dans la réalité.
L'exemple le plus frappant, c'est le moment où, faute d'argent pour la payer, Renee Zellweger doit accepter un job à San Diego. Puis finalement, comme ils sont totalement fauchés, les amoureux décident... d'organiser un grand mariage! CQFD