Logline :
Dans un futur proche, un groupe de jeunes adultes orphelins vivant comme un commando, entrainé et armé, va acheter une tarte aux fraises à la boulangerie et se frotte à des bébés chats sur le chemin du retour (ne rigolez pas, ce n’est pas une image, c’est vraiment ce qui se passe dans le film…).
Rare sont les cinéastes en France qui osent s’aventurer sur le chemin de la série B. Ou du moins rare sont les producteurs qui arrivent à les y encourager. Il faut donc souligner la prouesse d’Emmanuel Chaumet, qui prouve une fois encore qu’il existe des producteurs qui osent faire avancer le cinéma, et qu’il n’y a donc pas de fatalité à devoir produire toujours le même type de films en France.
Aussi louable soit-elle, la démarche, qui a permis d’accoucher de chefs d’œuvres comme Les garçons sauvages, a tout de même ses limites, puisque dans le film fonce très vite de la série B à la série Z, catégorie dans lequel il s’efforce de s’enfoncer durant 97 minutes.
Enfin le film… il est difficile de parler de film dans la mesure où nous ne suivons pas une histoire, mais juste une succession de plans (on ne peut même pas parler de scènes), collés les uns à la suite des autres, après avoir été tournés les uns à la suite des autres selon l’humeur du jour.
Les 2 wannabe cinéastes à l’origine du désastre font en effet preuve d’une créativité folle pour improviser des plans « à l’humeur », sans trop se soucier de leur rapport avec une histoire qu’ils ne connaissent même pas eux-même.
Du coup les acteurs paraissent ne pas trop savoir ce qu’ils font là-dedans, chaque phrase sortant de leur bouche provoquant un mélange de rires jaunes, de soupirs d’exaspérations, de murmures de consternation… Rarement en sortant de la salle on n’avait entendu autant de pitié et de désarroi dans la bouche des spectateurs pourtant d’habitude si bienveillants de la Berlinale, qui avaient tous visiblement bien conscience de s’être fait arnaqués.
Le pire c’est que ce constat d’impuissance est partagé par les auteurs eux-mêmes ! Interrogé sur scène lors de la présentation de leur film à Berlin, la co-réalisatrice déclare que ça a été extrêmement douloureux pour eux de réussir à écrire un scénario, et qu’ils ne soupçonnaient pas, suite aux courts-métrages qu’ils avaient fait jusque-là, que réfléchir à une idée un long-métrage pouvait être si difficile. (je vous jure que je n’exagère rien, ceux qui étaient à Berlin en février pourront vous le confirmer).
Alors pour combler les minutes pour arriver à 90, on rajoute des plans, des plans inutiles… Mention spécial à ce moment d’anthologie du cinéma français, où l’héroïne du film se rend au bord de la piscine, pour tremper ses cheveux dans l’eau, et les secouer en relevant la tête pour créer un cercle de goutes d’eaux en slow motion… vous savez, ce photos ringardes que votre cousine aux faux-ongles publie sur Instagram pour immortaliser ses vacances à l’île Maurice….
Bon, forcément, au vu des commentaires des réalisateurs sur leur manque d’inspiration, on a forcément envie de leur répondre : « mais en fait rien ne vous oblige à faire 1 long si vous n’en avez pas envie… ». On se demande donc ce qui a pu les pousser à tourner une histoire qu’ils n’avaient de toute évidence pas envie de raconter.
Et c’est bien là la plus grande force du film : interroger, malgré lui, sur le système de financement du cinéma français. Les mâchoires tombent en effet en se rendant compte que ce massacre a bénéficié de l’Avance sur recette. On sait depuis longtemps que l’Avance sur recette est le dispositif le plus opaque et le moins efficace du CNC, celui sur lequel une petite poignée de producteurs s’autofinancent leurs navets en dehors de toute considération artistiques. Mais en arriver à ce point-là, de financer à l’aveugle un film sans scénario, sans réalisateurs, et sans vision artistique, relève purement de l’acte délictueux.
Un grand bravo donc à Emmanuel Chaumet d’avoir réussi à boucler un budget autour de cette absence de projet. Il faut juste prier que pour que cet accident industriel et le désastre financier annoncé qu’il va être pour Le Pacte, n’hypothèque pas les chances de véritables projets innovant de voir le jour dans le futur.