Il suffit de mettre Walter Matthau en tête de cortège pour rendre n'importe quel film évoluant dans n'importe quel registre parfaitement sympathique. Même lorsque le sérieux est de mise, comme chez Don Siegel dans un thriller comme Tuez Charley Varrick, sa seule présence colore l'atmosphère d'une singularité tout à fait savoureuse. Mais rien de solennel dans Jeux d'espions : sans jamais verser dans le pastiche de film d'espionnage, Ronald Neame joue avec tous les codes du genre (qu'il faut certes accepter) pour dépeindre avec beaucoup d'humour les élucubrations d'un ancien agent de la CIA désireux de prendre sa retraite.
Rien ne se déroulera normalement, mais tout se passera selon ses plans. Trop vite écarté par un supérieur ignare et irascible qui n'a pas supporté qu'il épargne un homologue soviétique, le vieux loup qu'est Matthau n'entend pas se laisser mettre au placard et se lance dans la rédaction de ses mémoires, envers et contre tous, aux quatre coins du globe. Sa vengeance sera distillée lentement, avec autant de tendresse que de piquant, chapitre après chapitre. Avec un ton très enlevé, armé d'un flegme tout britannique et d'un humour constant, on le suit dans la planification jouissive de sa retraite. Il entend bien faire fructifier sa connaissance du milieu et révéler toute une série de détails croustillants dans un livre sulfureux : la rédaction se fera au cours d'une longue fuite, avec plusieurs services d'espionnage à ses trousses, entre Europe et États-Unis. L'ambiance décontractée rappelle beaucoup celle de Un Hold-up extraordinaire, où Michael Caine fantasmait un hold-up en amoureux, même si le cadre 60s est ici remplacé par celui des 70s finissantes et la classe britannique de Caine par l'élégance débonnaire de Matthau.
Walter Matthau dans la peau d'un espion raffiné, toujours avec une longueur d'avance, sifflotant un air de Mozart ou de Puccini, incarne aussi la fin d'un monde. Les renseignements n'utilisent visiblement plus les mêmes méthodes, et la bonhomie facétieuse du personnage ne fait que renforcer ce délicieux contraste. Comme un gamin jamais à court de farces. Le film a beau se résumer à un jeu du chat et de la souris à l'échelle de la planète, il n'en reste pas moins plaisant, et infiniment plus que la norme en matière de film d'espionnage.
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