To Be Or Not To Be, il parait que telle est la question. Ce qui est sûr, c'est qu'une des réponses de Lubitsch s'affirme avec génie par la parodie, l'altération de la teinte d’une réalité historique réalisée avec une dextérité redoutable, l'ironie jouissive d'une situation désespérée qui ne fait que prouver que tous pouvons être un, que l’apparence, la première impression, le charme et la persuasion jouent un grand rôle sur la crédibilité des relations humaines. Par la comédie, Lubitsch ne dénonce rien, mais montre beaucoup.
Août 1939, Varsovie. La Pologne vivote, la caméra effleure la vie dans la capitale, pour finalement se concentrer sur une troupe d’acteurs de théâtre et leur metteur en scène. La Pologne est envahie, Varsovie bombardée, rapidement conquise. L’armée allemande circule dans la ville, la contrôle d’une main de fer. Une relation onirique est née entre Maria Tura, mariée et icône du théâtre, et le lieutenant Sobinski. Un espion allemand de mèche avec la Gestapo menace de faire condamner moult résistants polonais, et le fardeau d'empêcher cette catastrophe finit par retomber sur la troupe de théâtre, dont font partie un « sosie » d’Hitler, Maria et Joseph Tura, et bien d’autres acteurs talentueux.
Dans l’optique de contrecarrer les plans de la Gestapo visant à éradiquer la Résistance polonaise face au nazisme, et pour permettre au peuple polonais de conserver une étincelle d’espoir, il échoit par le Hasard à cette troupe de comédiens et leur metteur en scène de jouer la plus grande pièce de toute leur existence. Car c’est avec leurs talents théâtraux, leurs seules armes, qu’ils comptent bien se battre et défendre leur patrie. Ainsi s’enchaineront infiltrations au cœur du QG de la Gestapo, usurpations d’identité d’officiers allemands et têtes-à-têtes avec des généraux nazis, jeux de personnalités et de persuasion multiples…
Ivre de dérision, démonstrateur de fatalité, faire-valoir du courage, du talent, du principe même que chaque talent peut-être une arme, et que les armes au sens premier du terme ne sont pas seulement des objets, Ernst Lubitsch parvient à nous captiver dans ces aventures au cœur de la Seconde Guerre Mondiale totalement atypiques. Le courage s’exprime de bien de façons, et jouer des apparences est certainement l’une de ses expressions les plus tranchantes si maitrisée. Et ses acteurs ont le cœur et le tripes bien accrochés. Même le pompeux et arrogant Joseph Tura peut se révéler impressionnant.
Mais c’est ce que recèle ce To Be or Not to Be de Lubitsch. Une force atemporelle et mystifiante, un talent simple mais d’une précision et d’une justesse d’orfèvre, et un jeu de comédiens qui nous rappelle violemment qu’en 1942, on faisait mieux qu’aujourd’hui dans le genre. Qu’en 1942, c’était la guerre, et que la Pologne était pratiquement éradiquée. Que Lubitsch, c’est un allemand, qui condamne ses pairs comme un forcené de la manière qu’il maitrise le plus : la comédie. Epaulé par des acteurs remarquables, il sait nous faire éclater de rire sur le dérisoire, nous faire sourire sur le dramatique, ou nous attrister sur l’idoine et l’utopique. Une parcelle du génie de Lubitsch qui transparait par son To Be or Not to Be se retrouve aujourd’hui chez des réalisateurs tels Kusturica, qui traite le grave d’une manière similaire. Encore, certains, comme Tarantino avec son Inglorious Basterds, tentent de l’imiter avec une regrettable maladresse.
Comme on dit, « Lubitsch or Not Lubitsch... » (« n’est pas Lubitsch qui veut... »)