Ce film américain sorti en 1942 est ce que j’appellerais une comédie sérieuse et intelligente. La production ayant commencé alors qu’Hitler ravageait l’Europe, son intention était de ridiculiser le Führer et son armée, et le résultat est parfait. On se délecte de cette dérision savamment dosée.
L’histoire met en scène une troupe d’acteurs polonais qui pour la patrie endosse les rôles d’espions au sein de la Gestapo et n’hésite pas à se grimer en nazi, une idée brillante qui contribue à de nombreuses séquences drôles et inattendues. Si l’intrigue tarde à commencer et que le rythme manque un peu d’élan, l’humour est audacieux et intéressant, et il fonctionne bien sûr. L’intrigue et le suspens sont aussi des éléments satisfaisants de ce spectacle. Les décors et l’ambiance sonore manquent un peu de variété, mais ce n’est pas très dérangeant.
Les acteurs sont très bons. Carole Lombard dans le rôle principal est exceptionnelle. Jack Benny, qui joue son mari, nous apparait au départ un peu antipathique, puis très vite on se prend d’affection pour lui, à la hauteur des risques considérables qu’il prend dans sa mission. On lui doit aussi la plupart des scènes les plus satisfaisantes du film. Les autres acteurs ne déméritent pas, et aucun ne passa à côté de son interprétation.
J’ai beaucoup aimé ce film, et je ne me suis jamais ennuyé, alors même que je commence à en avoir un peu ras le cul des nazis et de la Seconde Guerre mondiale, un sujet surreprésenté dans le cinéma d’époque. Il faut dire que le chef-d’œuvre d’Ernst Lubitsch traite le sujet d’une manière tout à fait audacieuse et originale, et j’ai trouvé son approche très intelligente et satisfaisante. En remplaçant la gravité et la menace qu’incarnent les nazis par une banalisation de l’incarnation du mal, il fait de ses personnages des guignols grotesques pas très malins dont on se délecte. Il donne à son film une dimension presque unique… Presque, oui, parce que Charlie Chaplin avait déjà traité les nazis de la même manière et avant lui, dans « Le Dictateur » bien sûr. Mais je dois admettre qu’Ernst Lubitsch y met un peu plus de finesse et de subtilité, ce qui n’enlève rien au génie de Chaplin.
Un petit mot pour dire que je préfère le titre originale "Être ou ne pas être" à celui qui as été choisie en France. Le titre originale ayant tout son sens je ne comprend pas pourquoi il a été transformé en ce "Jeux dangereux" qui as, pour le coup, beaucoup moins de saveurs.
Ce film est évidemment une perle de l’Histoire du cinéma et je ne m’étonne pas, après l’avoir vu, de l’avoir retrouvé sur nombreux des classements d’excellences du 7e Art. Je vous le recommande, évidemment.