Jeux interdits fut mon baptême René Clément. Pur ravissement. Tous les éléments sont au rendez-vous et menés avec doigté et intelligence. Les composantes du scénario s’insèrent de belle façon : la complicité des enfants, la chicane de voisins, les amours entre les deux ados des familles ennemis, l’emprise de l’Église… La direction artistique et la prise de vue sont soignées, les plans transigent au montage de manière irréprochable. Le tournage de la scène initiale montrant une foule en fuite à travers les bombardements allemands au cours desquels la jeune Paulette voit mourir ses parents et son chien est une œuvre en soi. L’ambiance chez la famille Dollé qui adopte temporairement l’orpheline est à la fois sympathique et amusante grâce à des personnages judicieusement distribués. Et que dire des deux enfants comédiens sur qui repose le succès du film. Brigitte Fossey en Paulette est croquante à souhait et le jeune Poujouly est tout aussi attachant. René Clément a eu la main plus qu’heureuse en les choisissant, mais donnons-lui le mérite d’avoir su les diriger admirablement dans des scènes souvent tragiques. La réalisation fait ressortir le côté humain des personnages à travers leurs actions tout en faisant la grimace aux autorités, dont l’Église laveuse de cerveaux et les institutions publiques qui viennent à la toute fin arracher cruellement l’enfant à sa famille ado-ptive et à son amoureux. Par cette œuvre, René Clément s’inscrit avantageusement parmi les cinéastes français par son authenticité comparativement à certains ayant surfer avec prétention sur une nouvelle vague.