Récompensé du Lion de San Marco à la Biennale de Venise de 1952, considéré comme un classique du cinéma français d’après-guerre, Jeux Interdits confronte l’innocence des enfants à l’indicible du deuil, et permet à René Clément de continuer son travail d’observation des mécanismes psychologiques de survie après la guerre.
Dans les yeux d'enfants.
Juin 1940. Les parisiens fuient sur les routes de campagnes et l’exode les expose aux bombardements allemands. La petite Paulette, toute jeune Brigitte Fossey, y perd ses parents mais traîne dans ses bras son chien mort, seule survivante d’un raid sur leur colonne de réfugiés. Recueillie à la ferme par la famille Dollé, elle s’attache à Michel, de quelques années son aîné.
Confrontés au deuil tous les deux,
Paulette et Michel s’inventent un jeu.
Vaches, chiens, hibou, taupe, souris, mouches, papillon de nuit, poules, poussins. Les animaux de la campagne et de la ferme habitent une grande partie du film. Le naturalisme cher au réalisateur étale ici un élément primordial de la narration par touches réalistes. Magnifique de soleil et de vie simple avant de se dissoudre dans les limites de la conscience enfantine.
Vélos et religion. Éléments du décor les premiers, élément du discours la seconde : les prières sont des mantras invoqués à tout bout de champs, comme on enfourche une bicyclette pour aller à l’église, la dévotion un refuge. Et cela a ses effets puisque malgré les enfants du hameau partis sur le front, les villageois ne semblent pas souffrir de la guerre. Paulette, qui n’en a aucune notion, le voit bien. Avide de faire son deuil elle aussi, sans savoir comment, elle trouve auprès de Michel le soutien et le détachement nécessaire l’éviter en se fabriquant un incertain canevas de croyances ornementales. S’occuper et les mains et l’esprit pour oublier.
Mais bientôt, le fils aîné des Dollé meurt. Les enfants modifient leur jeu, l’accélèrent.
Pour avoir su élever à une singulière pureté lyrique et une
exceptionnelle force d’expression, l’innocence de l’enfance au-dessus
de la tragédie et de la désolation de la guerre.
Telle est la mention du prix attribué à Venise. Il est bien question de
l’innocence de l’enfance
mais le lyrisme est sombre, funeste plutôt que pur, et s’il interroge ce n’est pas seulement face à la guerre, prétexte d’ouverture et de fermeture d’une calme et sinistre parenthèse, mais plus spécifiquement face au deuil. Tangible. Incontestable.