Impressionnant sommet de l'anime des années 90, "Jin-Roh" travaille une intrigue complexe et des personnages ambigüs, comme les mangas savent si bien les construire, avec un refus du spectaculaire d'autant plus étonnant que les images sont d'une beauté sidérante : on avait rarement vu à l'époque un film d'animation japonais miser à ce point sur les mouvements imperceptibles (curieusement, dans le cas de "Jin-Roh", la fixité des personnages résultant d'une technologie encore assez simple, et sans doute de budgets réduits, joue en faveur du film !) et surtout sur de magnifiques interludes méditatifs ! Le scénario de Mamoru Oshii fait légèrement écho à celui de son "Ghost In the Shell", avec sa fascination "machiniste" et "techno-fasciste" un peu gênante, sans parler de l'inutile obscurité de ces luttes entre groupuscules concurrents, au sein du pouvoir comme de l'opposition dans un Japon uchronique. Mais c'est le grand talent de Hiroyuki Okiura qui crée ici une œuvre profondément poétique et émouvante, dépassant le symbolisme un peu facile du conte du "Petit Chaperon Rouge", et réussissant un mélange étonnant de splendeur suspendue, de mélodrame déchirant et de violence brutale. [Critique écrite en 2000]