Joe Dakota
7.1
Joe Dakota

Film de Richard Bartlett (1957)

Serie B et western "alternatif", péripéties comme antithèses aux clichés du genre, et du charme !

Un cavalier de belle prestance (joué par Jock Mahonney) arrive dans un hameau déserté, sauf par une jeune femme affable mais laconique (jouée par Luana Patten). La camera suit avec lenteur et attention tous leurs mouvements, lui dégingandé, nonchalant et boitant un peu, et elle, réservée mais sensuelle. Ces plans insistants sur les actions les plus minimes, insolites ou décalées de chaque protagoniste continueront ainsi tout du long.

Ainsi, il retrouve vite le reste de la  minuscule communauté, toute entière au travail dans une fermette, qui essaye d’extraire du pétrole autour d’un derrick de fortune et d'une mare noire, où le cavalier sera jeté pour son intrusion et dont il ressort entièrement goudronné. Il s’incruste, menant une sorte d’enquête avec placidité, constance, et courtoisie, tandis que les villageois s’en inquiètent, notamment leur leader dans la recherche de la manne pétrolière, un dur nommé Cal, joué par Charles McGraw.

La différence de cette trame avec celle de Coup dur à Black Rock - Un Homme est passé de John Sturges, tourné en 1955 (un an ou deux ans plus tôt), réside en ceci que la communauté n’a pas un mauvais fond.

Ce qui est commun aux deus films est un meurtre commis en groupe, ici celui d’un vieil indien. Il avait pris, pour enregistrer sa fermette en tant que concession, le patronyme de notre étrange cavalier, ce qui témoigne du lien fort avec lui, Joe Dakota, qui fut son capitaine et ami dans l’armée. Mais le crime collectif résulte d'une manipulation de Cal sur les causes d’une violence commise sur la jeune femme, qui fut attribuée à l'indien.

Apres quelques péripéties à la fois captivantes et étonnamment amorties côté violence, parfois très drôles, le méchant sera puni, le village connaitra la rédemption et une idylle naitra entre le cavalier et la jeune femme.

Le récit est bien écrit, avec un ton en dessous de tout ce qui se fait dans les westerns, dans la narration, dans les motivations,  dans les échanges, dans la violence et dans l’humour.

Il fait de cette remarquable serie B une sorte de "western alternatif » : chacune de ses péripéties est l'antithèse d'un cliché westernien connu, comme l’est Joe Dakota lui-même. Il est à la fois un enquêteur, un confesseur et un médecin des âmes.

Bertrand Tavernier nous en donne l’explication. Lorsqu’il rencontra Bartlett aux Etats Unis et lui parla de son étonnement devant son film, il lui répondit : « Je suis moitié un camionneur, moitié un artiste. Et je suis aussi un disciple du Christ »

Le reste de l’équipe est à l’unisson pour fournir des prestations atypiques, depuis Claude Akins et Lee Van Cleef, habituellement patibulaires et jouant  ici deux bons bougres surtout doués pour le coup de poing entre eux, à Joseph Gershenson qui sait musiquer les westerns à la chaine et dont l'excellent musical score répétitif est souvent siffloté par Joe Dakota, en passant par le chef op George Robinson qui filme parfois la couleur comme du noir et blanc expressionniste.

C’est peut être la seule fois où on pourra dire d’un western que sa qualité principale est son charme.

(Notule de 2020 publiée en Fevrier 2025)

Michael-Faure
8
Écrit par

Créée

le 15 févr. 2025

Critique lue 9 fois

3 j'aime

3 commentaires

Michael-Faure

Écrit par

Critique lue 9 fois

3
3

D'autres avis sur Joe Dakota

Joe Dakota
JeanG55
8

Joe Dakota

"Joe Dakota" est un western réalisé en 1957 par un certain Richard Bartlett qui a été un acteur et un réalisateur de quelques séries B avant de partir faire des séries à la télé. Ce western n'a...

le 24 mai 2021

4 j'aime

6

Joe Dakota
Michael-Faure
8

Serie B et western "alternatif", péripéties comme antithèses aux clichés du genre, et du charme !

Un cavalier de belle prestance (joué par Jock Mahonney) arrive dans un hameau déserté, sauf par une jeune femme affable mais laconique (jouée par Luana Patten). La camera suit avec lenteur et...

le 15 févr. 2025

3 j'aime

3

Joe Dakota
greenwich
7

Joe Dakota (1957)

Il s'agit d'un western filmé en couleur. Le scénario est simple. Un inconnu arrive dans une petite ville (plutôt un hameau) désertée par quasiment tous ses habitants. Ceux-ci sont en effet allés...

le 28 sept. 2015

3 j'aime

Du même critique

La Planète des singes
Michael-Faure
9

Premier opus à la narration parfaite alternant l'action et la réflexion avec un fond anti bombe

Si on a découvert ce film à sa sortie en 1968, et si on le revoit en connaissant tous les autres opus (les « sequels » et les "reboots") vus au fil de leurs sorties successives, peut-être le...

le 14 oct. 2024

7 j'aime

4

Coup de fouet en retour
Michael-Faure
7

Une intrigue de film criminel et psychologique traitée dans un environnement de western

Ce western de John Sturges se place entre deux de ses chefs d'oeuvre (Un Homme est passé, 1955, et Gunfight at OK Corral, 1957). C’est une intrigue de film criminel avec une forte connotation...

le 16 févr. 2025

6 j'aime

Le Rideau déchiré
Michael-Faure
8

Hitch renouvelle ses anciens films d'espions en intégrant le côté sombre des années 60

Il est à la fois dans la veine des films d’espionnage que Hitchcock a tourné la décennie précédente (installation progressive d’un suspense de plus en plus haletant, comme North by Northwestou...

le 8 déc. 2024

6 j'aime

1