Pour son second film (1934), Pagnol n'aura pas attendu que le temps passe avant d'adapter Giono, son contemporain. Sans être un grand optimiste non plus, son cinéma est plus léger que l'écriture de Giono. S'il mettra souvent en scène des personnages au cœur noir pour y chercher l'humanisme caché au plus profond de leurs actes condamnables, il trouve matière avec la nouvelle Jofroy de la Maussan, (solitude de la pitié 1932) de mettre en exergue les rapports humains qu'il affectionne en revoyant le texte à l'optimisme. Pagnol qui privilégie les échanges à hauteur d'hommes rend cette confrontation plutôt comique que tragique, mais rend hommage à son auteur quand Jofroy parlera des arbres, de ces vieilles personnes qui ont bien le droit de mourir tranquille, de ces fadas qui n'en font qu'à leurs branches et de cette nécessité de laisser la place à tous. Les deux artisans que sont Pagnol et Giono se complètent dans leur regard et leur amour à leur pays, tout en étant eux aussi différents dans leur approche, mélancolique pour l'un et au cinéma lumineux, à la noirceur de l'autre, adepte d'une certaine monstruosité des hommes, malgré leur commune bienveillance à leur égard.
Offrant à son ami Scoto le premier rôle et tourné en décors naturels à la Treille, village du cinéaste, un portrait du monde paysan pour en saisir a minima, le lien et la fluidité et nous remettre en mémoire cette anticipation bien sombre de Giono, où seuls risqueront de rester les arbres, témoins muets de notre délitement.
On retrouve chez Pagnol le curé du village, parfait orateur et le féminin plutôt criard, où ces femmes effacées, ne s'en laissent pourtant pas compter, en regard de ces hommes souvent plus pragmatiques, aux accents immersifs et au jeu d'acteur irréprochable. Le plaisir de retrouver ce travail si attentif sur les dialogues ciselés -moins marquant qu'à l'accoutumée- si ce n'est un humour toujours présent par les effets rebonds. On retrouve pour Giono celui de l'environnement dans un même attachement à la terre, où l'arbre si cher à l'écrivain, sera l'objet de la dispute de Jofroy et Fonse, en désaccord sur la gestion d'un verger moribond.
Exit les grands enfants du bistrot et leurs éclats de rire noyés dans les tournées de pastis, mais le ton reste au décalage par les multiples tentatives de chantage de Jofroy. Car s'il a vendu son terrain notre vieillard ne veut pas qu'on lui coupe ses arbres fruitiers, sans vouloir pour autant rendre l'argent. C'est alors la solidarité des villageois comme un seul homme malgré que Jofroy mènera la vie dure à Fonse et à tout le village. Chacun de se perdre en conjectures, prêt à éviter le pire quitte à le surveiller et le supporter jusqu'au désespoir. D'un toit où il ameutera tout le quartier, d'une pendaison à la recherche d'un arbre qui ne lui appartient pas, ou d'une route un peu trop fraîche pour y rester allonger et attendre la voiture assassine, le bon sens mettra toujours un terme aux velléités de suicide de notre homme.
Et si le verger doit laisser la place au travail de la terre et à la survie des hommes, Fonse gardera quelques reliques fruitières par compassion envers celui qui finalement mourra d'un arrêt cardiaque non commandité.
Dommage alors que la qualité de la pellicule laisse à désirer, floutée et aux sons parfois peu audibles, ce sont aussi très peu de décors extérieurs sans l'ouverture des espaces qu'on lui connaît. Il faudra attendre encore un peu, pour apprécier ses beaux contrastes à venir, ses décors campagnards vierges pour profiter de son cinéma et de notre nostalgie.