En pourfendeur des genres cinématographiques, Robert Altman fait voler en éclat l'un des genres-rois du cinéma américain, en s'appliquant à livrer une démystification totale du western, piétinant les codes, tournant le dos à l'épique, à l'héroïsme et même au manichéisme ; il s'intéresse aux aspects les moins glorieux et les plus sournois du Far West. Pas de chevauchées, pas de grands espaces, simplement un patelin crasseux et enneigé où des types passent leur temps à jouer aux cartes, à picoler et à aller au bordel.
Je me souviens quand j'avais vu ce film à la fin des années 70, j'étais jeune et j'avais détesté parce qu'il éreintait mon genre fétiche tant adoré ; mais revu aujourd'hui, avec un grand recul et une analyse plus adulte, je me rend compte de l'intention d'Altman et de ce qu'il a voulu démontrer.
Le mythe fondateur américain de la réussite individuelle est sérieusement malmené, le personnage principal est un anti-héros, un minable opportuniste qui mène une vie médiocre, menacé par des grosses sociétés et leurs hommes de main, même le règlement de comptes final est pathétique et minable. L'esprit subversif du film se traduit par une image sombre et pas du tout colorée, sans soleil, sous une grisaille déprimante, l'environnement fait sale, les personnages ont pratiquement tous des allures de pouilleux, c'est quasiment naturaliste, c'est l'un des premiers westerns américains à montrer un univers crasseux et peu reluisant de l'Ouest, et Warren Beatty donne une image très négative du soi-disant héros, dans un contre-emploi ingrat, un pari risqué à l'époque pour une star de son calibre, même chose aussi pour Julie Christie qui campe une putain assez antipathique fumant de l'opium.
Attention cependant, je trouve le portrait de ce Far West réaliste et démythifié réussi, mais ce n'est certes pas un de mes westerns de chevet, car ce portrait ne me plait évidemment pas des masses quand on a été habitué comme moi aux westerns classiques. Ce film réalisé dans une décennie qui fut un tombeau pour le genre, s'inscrivait dans le courant du nouveau western alimenté par d'autres cinéastes, tels Little Big Man, la Horde sauvage, Juge et hors-la-loi, Soldat bleu et même les Cow-boys où le héros était tué presque au début du film...