« McCabe and Mrs Miller » s'inscrit dans cette catégorie de films qui vous envoutent dès les premières secondes. Immédiatement, on aime viscéralement ce qu'on voit et rien, dans les deux heures qui suivront, ne viendra contredire cette première impression.
La Colombie Britannique (juste sous la frontière du Canada), la pluie, la boue, le froid, la montagne et Léonard Cohen en fond sonore. Le maître mot de ce (nouveau) grand film d'Altman (juste après M.A.S.H.) est l'ambiance. Rien dans le film ne sonne fabriqué. Et pour cause, nous sommes en 71 et les possibilités de trucage numériques n'existent pas encore. Le froid, l'humidité, la neige existent à l'écran comme un personnage à part entière. Les équipes en ont chié des ronds de chapeau, ont tout construit sur site, et on vécu dans les conditions réelles du tournage, le temps de celui-ci.
Seule entorse à ce principe de réalité météorologique, la région étant paradoxalement assez sèche, les plans de pluie ont été tournés très rapidement et tous ensembles.
Que raconte ce western totalement atypique ?
Proches de mines fraichement découvertes, une petite communauté humaine (100 à 125 hommes) s'organise en village et McCabe, homme à la réputation flatteuse, vient fonder son saloon-bordel.
Mais le bonhomme est plus alcoolique que méthodique, plus débonnaire que gestionnaire.
Il se fera sauver la mise par l'arrivée d'une mère maquerelle encore en activité (Julie Christie, mmmhhh !) qui va vite prendre les choses en main (dans tous les sens du terme). Tout cela roulera comme une loco flambante neuve sur les rails de la félicité, jusqu'à ce qu'une grande compagnie d'exploitation veuille racheter l'affaire de McCabe, puisque désormais le filon transpire de juteuses promesses économiques.
L'apanage des grands films est d'être intemporels, et se dessinent, à travers cette histoire lointaine, tous les travers (toujours plus) féroces d'une société que l'on ne connait que trop bien plus d'un siècle après l'histoire racontée, et plus de 40 ans après le tournage : appât du gain, principes démocratiques foulés au pied sitôt que de gros intérêts sont en jeu, mais aussi la marchandisation des corps ou le rapport à l'autre. A ce sujet, le dialogue entre Mrs Miller et une jeune veuve démunie qui vient rejoindre l'équipe des prostituées est savoureux. Ou comment considérer l'acte sexuel tarifé comme beaucoup plus sain qu'accompli dans le cadre matrimonial !
A l'image des premières minutes somptueuses, le final est d'autant plus intense que transpirant lui aussi d'un réalisme foudroyant. Les héros sont rares, les salauds efficaces, et le destin cruel.
Un dernier mot sur les deux acteurs principaux : Warren Beatty est excellent, à la fois charismatique et pathétique, et cela est suffisamment rare pour en dire long sur le niveau du film.
Julie Christie, quand à elle, est affublée d'une tignasse frisouillée immonde, sorte de croisement repoussant entre un mouton mort et une casquette de trappeur misérable et c'est une sacrée mauvaise idée. Malgré ce handicap esthétique flagrant, l'anglaise s'en sort haut la main et parvient même à parfois se montrer désirable. Et ça aussi, c'est une sacrée performance.