Altman compose avec John Mc Gabe une bobine sacrément déprimante, jouant de l’entourloupe en laissant entrevoir, après une bonne heure et demie d’une banale mais sauvage misère, la possibilité d’un rayon de soleil, pour le recouvrir dans le même temps d’une neige qui s’empourpre. Tenez-vous le pour dit, au sein de ce joyeux bordel où le vice est roi, l’espoir s’est fait la malle depuis un sacré bout de temps. Chaque paire de lèvres, ensanglantée, imbibée, taquine ou travailleuse débite un même discours fataliste. Que les esprits pensent être vifs, qu’ils assument leur sauvagerie ou qu’ils respirent la bonté, aucune place ne semble leur être promise, sinon le bout de terre qu’ils auront ravi de force au moment de rendre leur dernier souffle. Quant aux clairvoyants qui peuvent comprendre de quoi sera fait leur lendemain, deux routes se présentent à eux : la première conduit au pouvoir et implique d’ôter la vie, la seconde de trouver une réalité alternative pour s’échapper d’une société malade : un monde en transition entre l’ancien ouest régit par le sang et les premières tentatives d’une vie en communauté qui se targue d’être civilisée.


Dans ce contexte sordide, il n’est pas étonnant qu’Altman ne s’autorise jamais à faire bourgeonner les sentiments, ceux qui naissent furtivement dans les petits cœurs de ses personnages, que les plus impulsifs laissent transparaître le temps d’une réflexion et que les autres combattent parce qu’ils savent que c’est là leur handicap le plus sévère. Pour illustrer ces deux états d’esprit, le duo de protagonistes, prisonnier d’un tournage qui a certainement du être éprouvant, parvient à tirer le meilleur de leur association. Warren Beatty titube avec aisance sur un filin instable entre la légèreté coupable qui le fait téter plus que de raison la bouteille et une certaine assurance amplifiée par sa trouble réputation qui rend la fin crédible. Julie Christie opte, elle, pour une évolution tranquille, délaissant petit à petit le brasier qui nourrit son tempérament pour dévoiler la fêlure qui a probablement contribué à construire sa détermination.


Les deux acteurs forment un couple singulier, totalement à sa place dans le monde en piteux état que construit visuellement Altman avec un panache certain. Qu’il s’agisse de mettre en lumière la crasse environnante ou de passer la seconde lorsque les tubulures chassent enfin le plomb qui les empêchait de respirer, l’homme est à l’aise. Suffisamment pour tenir la distance sans flancher puisqu’il offre à son film un final mémorable que tous ceux qui ont adhéré au voyage garderont en mémoire. Deux ultimes séquences lourdes de sens, tristement réalistes, qui rappellent avec violence le fatalisme des premières minutes. Glaçant.

oso
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le 8 août 2015

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