Lorsque le pire homme dans l'existence a trouvé son salut [...] et qu'on lui arrache la source de son salut [...], est-ce que les portes d'Hadès vont s'ouvrir ?
Le scénariste Derek Kolstad développe un script simple, mais influencé par les classiques du film noir et du thème de la vengeance d’un anti-héros dans lequel un tueur à gages sort de sa retraite pour se venger.
Pour ce script, Chad Stahelski et David Leitch sont choisis à la réalisation. Tout deux sont des anciens cascadeurs chevronnés. Chad Stahelski a notamment travaillé sur Point Break, The Matrix ou Constantine.
Un détail qui a son importance car Chad Stahelski a beaucoup travaillé avec Keanu Reeves dans ces films. Et de leur aveu, Stahelski et Leitch ont tout d’abord cherché à se faire plaisir en travaillant avec des amis, Reeves en premier, ou des acteurs qu’ils ont toujours admirés. C’est ainsi que Keanu Reeves se retrouve en tête d’affiche de John Wick pour une sortie en 2014.
Depuis la mort de sa femme bien-aimée, John Wick passe ses journées à retaper sa Ford Mustang de 1969, avec pour seule compagnie sa chienne Daisy. Il mène une vie sans histoire, jusqu’à ce qu’un malfrat nommé Iosef Tarasov remarque sa voiture. John refuse de la lui vendre. Iosef n’acceptant pas qu’on lui résiste, s’introduit chez John avec deux complices pour voler la Mustang et tuer sauvagement Daisy.
Difficile pour le scénario de demeurer complètement imprévisible et bluffant je vous l’accorde, mais il faut reconnaître que l’intrigue est bien ficelée et propose des idées intéressantes, témoignant d’une volonté réelle à proposer quelque chose de plaisant et d’attrayant. Le premier étant tout simplement son personnage principal : un homme qui vient de perdre l’amour de sa vie, qui se rappelle de leurs moments de tendresse passés ensemble, qui s’effondre devant la lettre accompagnant le cadeau posthume de sa femme (en l’occurrence Daisy), cadeau qui lui sera brutalement arraché dans la foulée. Inutile de préciser que l’empathie se créé à une vitesse folle et à mesure que le film suit son cours, on en vient à éprouver une véritable fascination envers lui.
Le personnage de John Wick n’est pas un simple tueur à gages qui reprend du service. Le scénario a l’excellente d’idée de l’ériger en véritable légende urbaine dans le monde du crime. Craint et respecté à la fois, son nom excite toutes les lèvres qui mentionnent ses exploits passés et confirme l’idée qu’il s’agit d’un homme d’une efficacité redoutable qu’il vaut mieux ne pas embêter. Presque érigé en figure mythique, il est surnommé Baba Yaga (croque-mitaine en Russe). John Wick est celui qu’on envoie pour tuer les croques-mitaines. Un souffle mythologique qui vient même embrasser le milieu de la pègre lui-même : l’action se situant à New-York, on nous dévoile que les criminels ont l’habitude de séjourner à l’hôtel Continental où ils vont pouvoir bénéficier de divers services conformes à leur train de vie. Ils ont également leur propre monnaie pour payer leurs prestations ou profiter du club qui leur est spécialement réservés. Et le plus important, il y a un credo des assassins à ne pas violer, un ordre à enfreindre sous aucun prétexte sous peine de subir de lourdes conséquences.
John Wick, Baba Yaga, va donc sortir de sa retraite pour se venger de la mort de son chiot qui représente le deuil de sa femme. Le véritable ennemi ne sera pas le jeune Iosef Tarasov interprété par Alfie Allen complètement dépassé par la menace de John Wick, mais par son père, le parrain de mafia Russe : Viggo Tarasov. Sous les traits de Michael Nyqvist, ce mafieux, va user de toute sa fortune et de toutes ses connaissances pour tenter d’assassiner John Wick.
Les chorégraphies des combats sont rapides et électrisantes, des tueries méthodiques et jouissives. L’action est calculée au millimètre près. Parfois très proche d’une mise en scène de jeu-vidéo, chaque scène de tuerie galvanise le spectateur avec des chorégraphies qui frisent la perfection. On doit ce travail aux réalisateurs / cascadeurs connaissant remarquablement leur sujet et à un entraînement intensif de Keanu Reeves pour son rôle. Calculée, rapide, parfois invraisemblable, l’action redonne ses lettres de noblesse aux films d’action.
John Wick marque le retour d’un style qui s’est longtemps éloigné des salles de cinéma ces dernières années.
Comme dit plus haut, l’influence des jeux-vidéo consistant à aligner les morts est ici manifestement prégnante. Chad Stahelski et David Leitch ne s’en cachent pas, notamment lors d’une scène ironique, sorte de mise en abîme jouissive, où un protagoniste s’amuse sur sa console à trucider tous les ennemis qui bougent, parallèlement à un massacre orchestré par John Wick qui finit par lui tirer une balle dans la tête.
Chad Stahelski et David Leitch connaissent leur affaire pour avoir œuvré comme coordinateurs des cascades dans plusieurs dizaines de longs-métrages. Les deux compères ne cèdent ainsi jamais aux tics actuels de mise en scène et emballent des séquences d'action remarquablement propres et enlevées. Grâce à un montage fluide et un réel travail sur le corps de Keanu Reeves, qui n'a peut-être jamais été aussi dangereux, le film dégage un mélange de hargne et de nostalgie trop rare pour ne pas être apprécié.