Faut-il vraiment s’ébaudir devant le spectacle, l’ignioniminieuse continuation d’un télé-crochet au cinéma?
Parce que c’est tout ce que m’évoque cette trilogie-d’ores et déjà prévue en pentalogie-vaine et novatrice à bien peu d’égard. *Danse avec les stars*, car tout ce qu’il m’est donné de voir c’est Keanu Reeves valser, serti d’un florilège confondant d’armes, des heures durant, reproduire une chorégraphie, certes exécutée avec une certaine maîtrise et justesse, un bal inane d’un acteur notoire et idolâtré. Rien ne m’enjoint à me rendre au cinéma pour y aller voir un Ersatz cyberpunk de *Danse avec les stars*.
En effet, la photographie de *John Wick* convoque tous les poncifs du cyberpunk, les flashs, les néons, l’incandescence au sein de la décrépitude, du belliqueux sans jamais les interroger, les réinventer à l’aune d’autre chose que les simples avancées techniques du médium en soi. Un succédané de sophistication, un pis-aller de modernité, la cinématographie, qui certes n’est pas des plus abhorrantes, demeure dans un cadre parfaitement balisé. La photographie ne se reflète qu’en un insapide lustrage convenu, surannée dans ses ambitions, lassante en définitive.
Conversons de la catharsis, argument porté au nue pour défendre cette œuvre navrante et triviale. « Idoine pour se vider la tête », « ça fait plaisir de voir la violence pour la violence, parfois», etc. Vous qui avancez cela, je vous admire, vous envie, car je ne peux cesser de réfléchir face à un film. L’acte de légitimation, la proposition d’exégèse d’un film est inexorable, *John Wick* ne m’empêche guère. Lorsque je regarde *Salo*, j’aime à observer que la violence vient nimber la parabole sur le fascisme, *Videodrome* m’interroge sur ma position de spectateur, la nature de mon désir de catharsis, ses pernicieux écueils ou encore d’un *Funny Games* qui se joue de ma crédulité de spectateur, qu’il annihile ma candeur et mes expectatives face à la violence au cinéma. Chez les grands dépositaires de la brutalité au cinéma, rien n’est infondé, rien n’est informé par un attrait candide à la chose belliqueuse. Les danses de *John Wick*, je m’évertue inéluctablement à les contextualiser, les circonscrire, les penser. Or l’absence d’enjeu, de raisons un peu moins rachitiques qu’un chien assassiné, m’éveillent a un sentiment très désarçonnant. C’est un film qui veut me proscrire la réflexion, il revêt l’ambition insatiable que son spectateur s’affranchisse d’une geste d’herméneutique des images qu’il nous assène. La catharsis n’est pas celle du nihilisme, l’insistance sur la mort du chien en preuve, sa rancoeur si vivace qu’elle anime l’action, elle est de ces catharsis gratuites, légitimées par les supposés élans d’hilarité et d’’ironie. *John Wick* n’est qu’un simple prétexte à la violence, vacuitaire, une catharsis désuète, peu satisfactoire, sans pensée autre que pour sa présentation.
D’aucuns voudraient donc *John Wick*, ironique, peu sérieux, « déconstruisant » le film d’action. Si de prime abord les abracadabrants éléments du scénario, qui servent de catalyseur au déploiement insatiable de l’irascibilité de *John Wick*, peuvent prêter à sourire, je ne peux que difficilement concevoir que l’on soit toujours réceptif au accablantes et répétitives facéties. Si ce film voulait sincèrement sévir dans cette ironie, cette dernière se devrait d’innerver la mise en scène. Pourtant, John Wick s’attache à une telle componction esthétique, une telle gravité dans la mise en scène et s’embourbe dans une nouvelle béance
Veut on vraiment s’assujettir à une oeuvre qui fait fi de notre prédisposition à déconstruire ses fondements? Peut-on tolérer, de par une geste esthétique largement surévaluée, de voir une chorégraphie, aussi belle soit-elle, trois (et bientôt cinq!) fois de suite, sans qu’au sein de cette série une proposition intellectuelle, scénaristique ou de rupture soit avancée? Regarder à une, deux, trois reprise, essentiellement le même film, parce qu’il nous octroierait un moment d’évasion, de rire?
Je préconise que l’on s’y soustraie, à cet affligeant *John Wick*, que l’on cesse notre plébiscite ingénu de ce danse avec Keanu, de cette violence immotivée et lyophilisée, une décharge vaine. Désespérément, je me suis infligé trois opus, ambitionnant de débusquer dans cette sordide ironie une lueur, une lumière, une idée. *John Wick* ne m’exaucera pas, les volets suivants ne s’annoncent pas d’avantage stimulants. Conspuons donc cette « comédie » brutale, pachydermique et conventionnelle, allons plutôt quérir une catharsis féconde, et ceci au sein de films qui s’attachent à ausculter avec distinction et sérieux la brutalité qu’ils représentent.