Difficile pour moi de donner une note à ce "Joker" de Todd Phillips, tant le film est à cheval entre une bonne surprise et une amère déception.
Ce 6, pourrait, en fonction de mes arguments, être un 7 ou un 5, mais j'ai l'impression que ça serait, en même temps, trop injuste envers le film, peu importe de quel côté pencherait la balance. Je suis peut-être devenu blasé.
Tout d'abord, même si le film est une bouffée d'air frais au sein de la myriade de films basé sur des comics avec des super-héros dedans, il faut pas se leurrer, ça reste un film produit par Hollywood, le même qui est corrompu jusqu'à la moelle, et qui semble très très content de nous livrer un vibrant hommage au Nouvel Hollywood (je pense surtout à Taxi Driver, La Valse des Pantins, et, un peu à Network) tout en, selon moi l'édulcorant, histoire d'éviter que le film passe en - de 16, ce qui tuerait son potentiel "grand public", on est "trosubverssif" et en même temps pas trop quand même.
En témoigne aussi sa séquence de fin, alors que c'est le bazar, ça coupe et une dernière séquence puis au dodo. Alors je sais pas si le climat actuel en France fait friser qui que ce soit, et que montrer une manifestation sauvage de trop près aurait pu, en Amérique, foutre le zbeul comme on dit. (remarquez, le climat Américain est pas forcément mieux, sait-on jamais)
J'ai trouvé pas mal de séquences un peu feignantes, on fout un petit angle néerlandais par ci par là pour montrer la folie du personnage, on filme la caméra qui tremble, bon, oké, mais pas de quoi être spécialement fou de joie, surtout quand on a eu The House that Jack Built un an avant.
Seule 5 séquences sortent du lot selon moi. La séquence dans les toilettes publiques, dont un plan qui aurait dû être beaucoup plus long (les deux murs de la cabine, avec, au centre du cadre, Arthur), la séquence juste après être allé chez sa voisine, ou l'on entend une voiture de police passer, la séquence, à l'hôpital, ou il voit Murray se moquer de lui, dans un si petit écran, et pourtant tellement en hauteur. Toute la séquence sur le plateau de Murray, en Joker, ou l'on voit comme il n'en a vraiment mais plus rien à faire. Et forcément la révélation par rapport à son passé.
Après autre chose qui me gêne (et on va venir du coup au côté "édulcoré" du film) c'est le fait, que, de base, Arthur est montré comme pas normal (d'ailleurs c'est rappelé pendant une bonne partie du film) et même si je ne fais pas parti de la team "cépakomdanlécomicsss" pour le coup je pense qu'ils auraient dû prendre le quidam qu'était le Joker dans The Killing Joke. Garder le côté humoriste raté, et laisser ensuite le film tel qu'il se déroule. Ce handicap fait passer la création du Joker comme celle d'un "super-monstre" ce qui rentre en contradiction avec l'approche qui se veut plus réaliste du Joker. En gros, mais y'as que les marginaux comme lui qui peuvent devenir des monstres, avec un passif sacrément dur, les autres sont que des suiveurs (en témoigne les "autres" manifestants, masse sans identité portant tous des masques de clowns (certes, surtout par rapport à la phrase de Wayne, mais nous y reviendrons.)) et ce, même si le "Joker" malgré sa volonté de devenir connu (c'est un humoriste en devenir) refuse d'être un symbole durant le film, il s'en amuse, mais rien de plus (sauf durant la fameuse séquence de fin) entre ça et une certaine séquence de meurtre rendue épileptique pour en atténuer la violence (on est loin d'Irréversible quoi) on peut clairement le dire: y'as comme deux visions qui se chevauchent, à la fois une volonté de faire du Joker un perso super classe (sa transformation et sa danse dans les escaliers, reprise pour la promo du film) qui en même temps n'est pas méchant, il est juste rejeté, et la volonté de lui enlever son statut d'opprimé, pour bien montrer que "et bah quand même il est fou un peu hein c'est pas toujours très bien, et puis voilà hein les parents de Wayne meurent à cause de lui" tout comme le fait que le film se passe dans le passé, alors que ce dont le film parle est actuel: les médias qui se moquent des gens, les infos sensations, les ultra-riches qui se gavent sur la misère des gens et que ça n'importe que lorsqu'il peuvent redorer leur image, les rebus de la société qu'on met entre eux, le rapport psychotique des Américains aux armes...
Tout comme le personnage de Thomas Wayne pour qui on sent qu'il y a un refus de le démythifier, en le montrant comme un ultra-riche vraiment dans son monde, on a quand même l'impression que "c'est pas sa faute" après tout, alors qu'on apprend dans le film que "les rats envahissent la ville" (le bonhomme est médecin, influent, il pourrait faire quelque chose non?)
Par contre l'interprétation de Joaquin Phoenix du Joker est probablement la plus juste qu'on ait eu jusqu'à présent. ça n'est pas seulement dû au fait que le film soit le premier à être vraiment centré sur lui, ça tient aussi de la performance de Joaquin Phoenix, qui, s'il force un peu le "mal-être" par moment, cela reste correcte et il en fait, en tant que Joker, beaucoup moins que les autres, il est dans le juste (en gros, il met KO Leto en deux deux)
Sa relation avec sa mère aussi, rappelle Psychose peu importe le support (livre ou film) clairement on sent l'inspiration, avec le gosse seul avec très peu de contact avec les femmes, et une mère pas tout à fait saine d'esprit, au moins autant que son fils (mais plus douce)
On ne sort clairement pas inerte face à ce film, c'est sûr, ça fait bien 2 heures que j'essaie de comprendre à quel point je l'ai apprécié et ce que j'en pense. Je ne sais pas s'il restera des traces du film sur les productions hollywoodiennes à venir, ou s'il sera celui qui aura uniformisé le film politico-subversif. Un air de gentillet "Nous vivons dans une société" qui croise celui d'une porte de sortie possible de l'industrie qui s'est enfermée dans le grand spectacle style parc d'attractions depuis 30 ans. Mais impossible aussi de ne pas voir dans ce film un film "spectacle" balancé par des corporatistes avides de fric qui n'en fait pas assez pour être un film coup de poing.
à la limite un coup d'épée dans l'eau.