Avec Suicide Squad, on aurait pu croire que DC avait condamné le Joker à devenir un sex symbol ridicule et malaisant. Dieu merci, ils ont changé d'avis pour nous offrir cette nouvelle interprétation.
Ce film, c'est le grand triomphe de Joaquin Phoenix, 100% convainquant dans ce rôle d'un Joker "malade" physiquement et mentalement, à l'air faiblard, bien différent de ce qu'on a pu voir auparavant. Ce personnage subira une descente aux enfers au fur et à mesure que ses certitudes s'écrouleront, finissant par devenir le fou criminel que nous connaissons bien. C'est cette trajectoire personnelle le point le plus intéressant du scénar : le propos ne pousse pas beaucoup plus loin que "la société est méchante", élément aussi cliché que "le gouvernement nous ment" ou "l'armée fait des recherches secrètes", et qui méritait d'être plus travaillé.
On s'attache au Joker au fil de ses mésaventures, c'est ce qui nous accroche, et ça participe au fait que je n'ai trouvé aucune scène particulièrement effrayante ou dérangeante, au contraire les poussées de violence sont assez jouissives et m'ont parfois fait rire.
Malheureusement pas mal de petits éléments m'empêchent d'adorer :
-D'abord, plusieurs incohérences, par exemple pourquoi la voiture de police transportant le pire criminel de Gotham n'a aucune escorte ?
-L'intégration des Wayne, ça passe mais c'est quand même pas mal du fanservice, en particulier la rencontre entre Arthur et Bruce Wayne, qui aurait été plus justifiée si ils avaient gardé l'idée de faire de ces deux personnages des demi-frères. D'ailleurs, je ne le compte pas comme un défaut, mais c'est étonnant qu'il aient abandonné en cour de route cette idée de fraternité, c'était intéressant.
-L'intégration du perso nain est… vraiment étrange pour un film qui veut parler de handicap, il est juste là pour qu'on fasse des blagues sur sa taille, c'est pas du très bon goût… Après bon ça reste correct.
-Certains ont un problème avec la morale. Le plus probable est que le film ne s'est jamais donné pour objectif d'avoir une morale précise, et avant d'y voir un brûlot anarchiste rappelons qu'on est devant un blockbuster hollywoodien. On peut par exemple en tirer que la violence n'amène que plus de violence, en effet le Joker finit à l'asile, même asile dont on apprend qu'il est sorti au début du film. Il a donc régressé et n'est arrivé nulle part.
-Des répliques que j'ai vu certains brandir comme cultes me semblent vraiment banales : je pense d'abord à celle sur le carnet comme quoi le problème quand on a une maladie mentale est que les gens veulent qu'on fasse comme si on en avait pas, c'est pas très inspiré et le contraire serait valable (que quand on est handicapé il faut que ça se voie sinon les gens disent qu'on exagère et qu'on est pas si handicapé que ça). Ensuite y'a le plateau de TV où le Joker dit que si lui mourrait tout le monde s'en ficherait : je ne dis pas que c'est nul, mais j'ai l'impression d'avoir entendu ça 200 fois, ça n'a rien d'original. Après attention, y'a des répliques que j'aime bien, mais ça ne mérite pas un oscar du meilleur scénario.
-Finissons avec un point positif : j'ai eu l'impression que la caméra colle et écrase Arthur quand il est un pauvre inconnu mais s'écarte et lui laisse de la place quand il devient le Joker, c'est à dire quelqu'un d'important (pendant ses meurtres au métro et sur le plateau de TV par exemple). Il me faudrait un second visionnage pour être sûr que ce n'est pas qu'une impression, mais en tout cas ça fait plaisir de voir des idées de mise en scène.
Bref, une histoire de "super-héros" sans le "super", avec un antihéros qui est vraiment le point central d'intérêt, logique après tout vu qu'il donne son nom au film. Malgré les défauts que je peut lui trouver, j'ai apprécié Joker. Merci DC d'avoir arrêté d'essayer de copier Marvel pour nous offrir une vision différente.