Ah Le Joker, quel délice ce film, je l'ai vu une première (Salle Dolby cinéma qui plus est) revu une seconde fois et une troisième après l'achat du DVD. Je le reverrai encore et encore pour m'en imprégner, en saisir toutes les nuances, toutes les interprétations possibles car si un film doit être sujet à interprétation et débat c'est bien celui-là. Pour ma part mon film 2019 préféré.
Une grande histoire sur les origines, le pourquoi du Joker. Joaquin Phoenix joue sa partition de main de maître, un Phoenix désincarné, famélique. Parait qu'il a perdu 25 kgs pour jouer le rôle.
"Vous vous souvenez pourquoi vous êtes ici ?" demande la psy en blouse blanche à Joker de blanc vêtu lui aussi.
A travers les fantasmes, les mensonges, l'appel à la révolte, la vengeance de l'enfant promis à la misère intellectuelle et matérielle, l'objet de toutes les moqueries, vexations, humiliations, l'enfant martyr dont a bafoué l'enfance dans cette maison de l'horreur battu, attaché à un radiateur, qui devient le héros, le guide de la nation des opprimés de Gotham. Enfin on a une explication, qui vaut ce qu'elle vaut mais a le mérite d'exister, sur le pourquoi de son rire de fou, de damné, le rire exorciste de ses démons qui lui vaut bien des déboires. Ce rire démoniaque qui le possède quand il est un brin contrarié comme dans ce métro où il commet ses premiers meurtres. "Jusqu'ici je croyais que ma vie était une tragédie, en fait c'est une putain de comédie"
Il n'y a rien à jeter dans ce film, c'est du tout bon, du début à la fin. Toute la partie finale est un pur régal, un chef oeuvre, oui, j'ose. A partir du moment où il se transforme, de clown triste, malmené à clown activiste, chef rebelle d'une armée masquée sortie de l'ombre des bas-fonds de Gotham entre rats, ordures et puanteur, quand il transperce, avec une paire de ciseaux la gorge et le front de Randall, son ancien collègue venu se chercher un alibi, aspergé du sang de ce dernier, les masques effrayants de ses disciples accompagnent son grimage sanguinolent, semblable à une chorégraphie révolutionnaire, cette danse très classe, stylée, dans les escaliers et les flaques d'eau, fleck flack, fleck flack, style singing in the blood, son visage joyeux, libéré, son rire démentiel, sa danse rythmée par cette musique d'enfer qui pulse grave, puis l'arrivée chez Murray, "s'il vous plait appelez moi Joker", ses aveux provocateurs, il finit par sortir son revolver, la manière dont il tient celui-ci, bras tendu, main cassée vers le torse de son hôte donne un impact plus fort encore à la scène, il tire et retire et tire encore. Alors là regardez bien, ou plutôt écoutez, la speakrine annonce l'arrestation du Joker "Il a été amené menotté hors des studios" dans la voiture de police mais en ressort, sous les coups de boutoir d'un camion libérateur, SANS les menottes... Je pense donc que la suite et peut-être même le camion sont fantasmés, n'existent que dans l'imaginaire du clown assassin. Gotham est à feu et à sang, pillages, émeutes, baston. Un blanc puis on le retrouve dans la même clinique psychiatrique qu'au début du film "Arthur vous vous souvenez pourquoi vous êtes ici ?". Et ces phrases qui ne font que me conforter dans mon interprétation de cette partie finale, "ma mort aura plus de cents/sens que ma vie" "Il y en a qui sont ravis de fouler un rêve aux pieds...parce que ce bon vieux monde il continue de tourner" puis ça part en vrille dans les limbes des blancs couloirs, les pas qui laissent des traces de sang, les courses, allées et venues au fond de ces mêmes couloirs devant un infirmier dépassé et ridicule.
Je pense que c'est le genre de film qui a au moins autant d'interprétations possibles que de spectateurs. Todd Philips s'amuse à brouiller les pistes. Il se pourrait même que tout le film ne soit qu'un long fantasme, peut-être Arthur n'est il qu'un psychopathe interné en psy. "Je ne crois en rien du tout" dit-il aussi. Et cette phrase "Je pensais à une blague" avec flash back sur Bruce Wayne enfant, dans cette ruelle sombre et sinistre où ses parents viennent de se faire assassiner.
Ce qui gêne certains est que la violence est ici légitimée, Todd Phillips lui donne un sens, ce n'est pas une violence gratuite comme dans Rampage de Uwe Boll.
Vous l'aurez sans doute compris mon sentiment très personnel est qu'il n'y a que du très bon cinéma ici. Excellente partie de Joaquin Phoenix, de de Niro, irritant dans le rôle de Murray, excellente musique de Hildur Ingveldardóttir Guðnadóttir qui rythme parfaitement l'action, excellent scénario de Todd Phillips, tout est excellent. Perso je pense que Phoenix mérite l'Oscar du meilleur acteur pour ce rôle. En tout cas je le lui souhaite. D'ailleurs il vient de l'obtenir, bravo !
Madness is a loving game. Long live to Joker !!!