Mais que dire nom d'une pipe !? Il était temps putain, y avait un bail que je n'osais plus visionner les œuvres de mes contemporains, mais voilà, parfois un film se pointe et il a tout bon.
Je partais fort enthousiaste faut dire, en espérant, sans avoir lu les critiques ni la synopsis, qu'ils n'oseraient pas faire tomber ce personnage noir et captivant dans une histoire de super héros de m**** (j'en ai ma claque, merci). J'avais confiance en la noirceur de Joaquin Phoenix. Il n'accepterait pas de faire une merdouille commerciale et creuse. C'est un rôle taillé sur mesure pour lui. Je savais qu'il n'allait pas me décevoir. Et effectivement, personne n'aurait pu habiter ce dangereux bouffon comme lui. Personne d'autre n'aurait pu lui conférer cette tessiture, cette complexité et ce charisme. Il est tout bonnement fascinant.
Et bingo, je suis sortie de la salle totalement grisée, en sachant que je venais d'assister à un grand moment de cinéma. Un chef-d’œuvre de direction, de photographie, d'écriture, d'accompagnement musical et, bien évidement, d'interprétation.
Il a même le don de me faire des clins d’œil personnels, avec la musique de Sinatra, le passage sur grand écran des Temps Modernes de Chaplin et la mélodie Smile, de Chaplin aussi. Rien qu'avec ça, il aurait pu m'emballer.
On pouvait pas rêver un meilleur Joker, un meilleur traitement de la solitude, celle qui enferme Arthur dans son illusion et son ressentiment. On assiste à la naissance d'un assassin, conditionnée bien sûr par son environnement, mais on lui laisse le choix de tuer ou non, de se laisser emporter par le côté obscur. De pardonner aussi (à sa mère, à Randall). Mais il a préféré vriller, car c'est réconfortant finalement, et que le sort en est jeté.
C'est la métamorphose d'un laissé pour compte qui choisit la destruction plutôt que la désarroi pour se défaire de son carcan de victime. Et de là peut-être les références à Chaplin, clown tragi-comique qui choisit le rire, malgré une enfance loin d'être rose. Et que la vie récompense en quelque sorte, en lui conférant un grand talent, ce dont est dépourvu Arthur. Ce dernier se laisse donc basculer. Parce qu'il y a pris goût, pour survivre. Car épouser le nihilisme et le chaos c'est tout ce qu'il reste quand même la gentillesse se meurt.
Les pensées se bousculent dans ma tête et mon petit cœur est tout retourné de gratitude, et même d'espoir. Car oui, le cinéma a encore de beaux jours devant lui, même si notre civilisation se délite.