C'est un film qui m'a fortement marqué quand je suis allé le découvrir en 2019. C'était le premier visionnage en VOST en salle de ma vie. Je savais en sortant de la salle que je n'avais vu un film ordinaire de type blockbuster.
Difficile de passer dans le rôle du Joker après Nicholson (1989) et Heath Ledger (2008). Mais Joaquin Phoenix s'en tire admirablement bien dans ce qui est ici le rôle de sa vie. On ne pourra pas reprocher à Todd Phillips d'avoir répété un joker déjà vu. C'est une nouvelle approche qui s’affranchit de tout risque de franchisation dans sa singularité. La suite c'est le juste le premier film Rated R à dépasser le milliard au Box-office, une prouesse pour un genre. Et puis il y a évidemment tout le succès critique qu'on lui connait.
On est sur un film qui affirme son style vintage. Il y a au tout début le logo Warner des 1970s-1980s. Ensuite il y a le titre en lettrine blanche qui rappelle celui de Rocky (1975). Enfin il y a toute l'influence de Martin Scorsece d'ailleurs producteur du film. Le scénario fait explicitement référence à ses deux films Taxi Driver (1976) et La Valse des Pantins (1983), d'où sûrement la présence d'un De Niro au casting (reprenant un peu son rôle de Rupert Pupkin qui rime d'ailleurs avec Muray Franklin). Le film convoque aussi tout un folkore clownesque avec une référence aux Temps Modernes (1940) de Charlie Chaplin (dont le sujet fait écho à celui du film). Quelle joie d'entendre aussi le son des grands chanteurs de jazz ou crooners (Jimmy Durante, Sinatra, Fred Astaire, ...). Enfin la magnifique photographie va aussi dans le sens scorsecien. Idem pour les décors vraiment fabuleux rappellant le New York de Taxi Driver en proie à la violence durant la même période des événements du film fin 70s début 80s (1981 pour ce film puisqu'un cinéma projette Blow Out de De Palma).
Du reste on retient surtout cette histoire qui tord le coup aux films de super-héros interchangeables et fabriqués à la chaine. Le réalisateur se permet même de jouer avec nos attentes quand il fait intervenir la famille Wayne dans son récit. Il n'hésite pas aussi à nous perdre dans la folie de son personnage principal, de quoi nous surprendre. Philipps parvient à nous faire avoir à la fois de l'empathie et du malaise pour son personnage, ce qui est assez rare pour être souligné. Le film nous parle aussi beaucoup car son histoire est aussi étroitement lié à notre époque actuelle où toute l'actualité et le quotidien sont prétextes à être dépressif. La violence dépeinte dans le film est quand même très similaire avec celle de notre époque fruit de nombreuses conjonctures.
En résumé ce film est un ovni dans son genre qui montre que l'on peut faire quelque chose de différent. Aujourd'hui (2e visionnage depuis le premier il y a 5 ans) avec le recul je ne trouve pas la mise en scène très poussée. Mais la performance de Phoenix qui mérite amplement son oscar du meilleur acteur dans son rôle grâce à sa composition physique et psychique. De Niro est aussi en forme nous rappelant sans cesse les 2 grandes influences du long-métrage. J'ai failli oublier la bande orignale lancinante de Hildur Guðnadóttir. Cette compositrice islandaise n'a pas non plus volé son oscar de la meilleure musique de film. Un scénario pareil avec des thématiques aussi riches, on ne voit pas cela tous les jours.