Tout est dans le titre.
Une folie à deux. Une vraie de vraie. Une folie à 200 millions de dollars. Todd Philips et son scénariste Scott Silver qui lâchent complètement les chevaux et proposent un contre-pied parfait au métrage de 2019.
Ces deux-là n'y vont pas par quatre chemins.
Vous vouliez une suite ? Celle-ci n'est pas au programme.
Vous en voulez une quand même ? Et ben c'est partie pour un nouveau tour de manège.
Bourré de bonnes idées, Joker: Folie à Deux (en français dans le titre) c'est avant tout un film de procès. Celui du Joker évidemment. Déjà une bonne idée.
Celui d'une victime qui, sans cesse, s'efforce de marteler son statut de victime.
Cherchant, quelque part, à justifier sa souffrance, à trouver des raisons pour légitimer son mal-être et par là, la monstruosité de certains de ses actes.
Philips et Silver exploitent à merveille ces séquences de procès, alternant habilement la défense et l'accusation, jouant sur des perceptions fluctuantes de la vérité. Exercice toujours assez délicat et plutôt équilibré ici avec notamment la séquence du témoignage de l'ancien ami Gary Puddles (Leigh Gill) présent à la barre en tant que ... victime de la victime. Une sorte de concentré chimiquement pur de la thèse du film s'efforçant d'évacuer toute forme de manichéisme et jugement à l'encontre de la pièce pour proposer une approche traitant (enfin) la complexité, les ambiguïtés, les ambivalences d'un personnage aussi dense que celui du Joker.
Joker: Folie à Deux c'est aussi un film musical. Une playlist merveilleuse convoquant Stevie Wonder, Judy Garland, Fred Astaire, Nat King Cole, Sharon Van Etten, Tony Bennet et bien d'autres. La playlist trame d'ailleurs une partie de l'intrigue et se trouve pleinement intégrée au récit (Gonna Build A Mountain d'Anthony Newley, When The Saints Go Marching). Ce n'est donc pas un simple tour de passe-passe, mais une intention manifeste de placer la musique au cœur du récit, au coeur même de la trame narrative.
La musique accompagne donc de nombreuses séquences chorégraphiées où le Joker chante, danse. Des séquences qui assument les ponts et clins d'oeil clairs aux comics et dessins animés figurant (enfin) un Joker un peu plus 'cartoonesque'. Voir la scène d'ouverture pour s'en convaincre.
Dans le registre des contre-pieds, Joker: Folie à Deux c'est également un film d'amour tragique, tissé autour de la manipulation émotionnelle et du pouvoir destructeur des relations toxiques. Au centre de cette dynamique, le personnage de Harley Quinn, campée par une Lady Gaga plutôt convaincante, bien qu'un peu écrasée par la nouvelle grande performance de l'ami Joaquin Phoenix encore une fois impeccable dans le rôle perturbant d'un Joker malade. Leur relation devient alors une sorte de ballet macabre dans lequel l'amour et la violence se confondent. Une relation dévastatrice.
Alors oui, c'est indéniablement surprenant. Pendant 2h18, on se retrouve un peu étonné face à cette proposition artistiquement audacieuse, à contre-courant, qui assume pleinement de prendre des distances considérables avec une œuvre initiale pourtant consacrée, couronnée de succès mondiaux et de multi-récompensé.
Joker: Folie à Deux est aussi un film imparfait, tortueux, parfois confus, poussif et répétitif. Pour autant, il me semble impossible de ne pas saluer une telle prise de risque et reconnaitre ici une proposition qui, malgré ses défauts apparents, foisonne d’idées intéressantes, témoignant d'une véritable ambition artistique assez inattendue.
On peine d'ailleurs à imaginer comment Philips et Silver ont réussi à convaincre le board de la Warner d’investir 200 millions de dollars dans un projet pareil ('et là, Joker fait des claquettes').
Avec à peine 58 millions de dollars récupérés sur le marché domestique (synonyme de catastrophe industrielle étant donné le milliard récupéré pour le premier opus !!), une chose est certaine : on ne les y reprendra pas de sitôt.