En 2019, le film « Joker » de Todd Philips sort sur grand écran et ce fut un phénomène. Le film a été salué par les critiques, provenant autant de la presse que du spectateur. Le succès commercial fut au rendez-vous et pour finir, son acteur principal emporte l’oscar du meilleur acteur pour sa prestation.
C’est donc avec gêne que j’admets ne pas partager l’euphorie générale autour de ce film-évènement car… je ne l’ai pas apprécié. Je ne vais pas crier au « hold-up » mais j’estime que ce film, sans être mauvais, est probablement l’un des plus surestimés de ces dernières années. La prestation de Joaquin Phoenix est effectivement saisissante mais le reste du film ne suit pas, se perd dans des intrigues prolongeant inutilement le récit et pour couronner le tout : les inspirations se ressentent beaucoup trop (« Taxi Driver », « La Valse des Pantins »…) ce qui empêche au film d’avoir sa propre identité.
Mais le succès fut au rendez-vous… alors cinq ans plus tard, une suite introduisant le personnage d’Harley Quinn (interprété par Lady Gaga) débarque, elle aussi, dans nos salles de cinéma avec la même équipe derrière le premier film.
Et là, c’est le drame ! Le film est un échec au box-office et les adorateurs du premier film rejettent la suite tout en criant au « blasphème » ! En ce qui me concerne, je ne fais pas partie des adorateurs du premier film. J’y suis allé sans grande attente, en essayant de mettre de côté mes a priori. Mais comme dirait l’autre : « Je ne m’attendais à rien et je suis quand même déçu ».
Et pourtant, je me suis laissé surprendre par une superbe scène d’introduction.
En effet, le film décide de démarrer par une parodie sanglante des « Looney Tunes » qui résume les évènements de l’opus précédent et qui est réalisée par l’excellent Sylvain Chomet, à qui l’on doit le très bon film d’animation « Les Triplettes de Belleville ».
Nous assistons d’ailleurs à la première séquence musicale du film avec une excellente reprise de « What the world needs now is love » chanté par Nick Cave.
Je me suis d’ailleurs surpris à écouter la B.O. du film uniquement pour ce morceau.
Malheureusement, une fois cette scène d’introduction terminée, la vraie suite commence et c’est là que ça coince…
Contrairement à ce que beaucoup de spectateurs ont pu dire, le problème de ce film n’est pas d’être un film musical mais d’être un mauvais film musical.
Tout le récit est structuré en un cycle qui se répète en boucle : d’abord une scène où le personnage d’Arthur Fleck est à l’asile d’Arkham, ensuite une scène où il se fait juger à son procès et pour finir, une scène musicale délirante (ou non…) avant de retourner à la première étape du cycle et ainsi, boucler la boucle.
Le film dure… ? 2h 20 ? C’est bien trop long pour un récit aussi redondant !
D’autre part, autant certaines séquences sont créatives (je pense notamment aux pastiches des comédies-musicales à la manière de Broadway) autant d’autres…
Vous n’êtes clairement pas prêt pour la pire reprise de « Ne me quitte pas » de Jacques Brel.
Bien que je n’aie que peu apprécié le film précédent, je dois lui reconnaitre une cohérence artistique. Alors, oui, Todd Philips voulait simplement imiter le style de Martin Scorsese mais cela restait cohérent du début à la fin. Ce « Joker : Folie à deux » veut tellement se donner des airs de film « oscarisable » qu’il finit par être indigeste en mélangeant péniblement tous ces styles.
Ceci dit, peut-être que Todd Philips avait un message à faire passer à travers tout ce méli-mélo. En prenant un peu de recul, ce n’est pas difficile à comprendre : il se sert de cette suite pour déconstruire le premier film et expliquer à son spectateur qu’il n’aurait pas dû l’apprécier comme il l’avait fait à l’époque, ni de glorifier son protagoniste.
Cette déconstruction se fait à travers le personnage d’Harley Quinn, symbolisant le spectateur, ayant une fascination morbide pour ce meurtrier et trouvant des excuses aux comportements de ce dernier. Le film se conclut d’ailleurs par la désillusion du spectateur, rejetant son idole, après avoir compris qu’il ne s’agissait que d’un détraqué ne portant aucun message à travers ses crimes.
On pourrait donc se dire que ce film n’est finalement pas si creux et qu’il est peut-être victime de l’incompréhension de son public. Pas tout à fait.
Depuis quelque temps, certains auteurs travaillant dans la jungle d’Hollywood exploitent un message « méta » sur le cinéma et son public à travers leurs œuvres.
En 2021, Lana Wachowski faisait le même traitement à sa propre saga à travers le nouvel opus « Matrix Ressurections ». Le film a d’ailleurs été salué pour cet aspect malgré de mauvais résultats au box-office.
Todd Philips n’a clairement pas le même niveau de talent d’auteur (il est bon de rappeler qu’avant de réaliser « Joker », il était l’auteur de… la trilogie « Very Bad Trip »).
Ok, Todd Philips. Le film fait un commentaire sur son public et démontre comment le peuple peut facilement idolâtrer des monstres grâce au pouvoir du spectacle.
Mais en quoi cela change le fait de voir une suite ridiculiser le premier film ?
En quoi cela change le rythme soporifique ? En quoi cela change la piètre qualité de la plupart des séquences musicales ?
Le sous-texte n’a de valeur qu’en restant sous-texte !
J’ai l’impression que le fait d’ajouter un commentaire « méta » dans son œuvre est devenu une facilité venant d’auteurs peu inspirés…
Todd Philips nous hurle « VOUS N’AVEZ PAS COMPRIS LE PREMIER FILM » sans jamais se demander s’il ne s’était peut-être pas très mal exprimé.
Je ne sais pas si tout cela détruit le film de 2019 mais en tout cas, cela achève bel et bien ce ratage en beauté qu’est « Joker : Folie à deux ».
PS : Pour ceux qui ont vu le film, comment comprenez-vous la scène finale ? Arthur Fleck se fait tuer par un autre détenu, se mettant lui-même à rire à gorge déployé.
Devons-nous comprendre qu’il ne s’agissait donc pas du vrai Joker ?
Alors pourquoi est-ce qu’on a suivi ce personnage pendant deux films, sans déconner ?