Joker 1 sort il y a 5 ans, biberonné au cinéma de Scorsese je ne vois dans ce film (qui ne me déplait pas totalement) qu'une repompe de Taxi Driver et la valse des pantins du pauvre, essayant de simplifier les codes afin que le tout public s'y retrouve et cette volonté d"ancrer ce récit dans une mythologie bien plus "Pop Culture" ne pouvait pas me donner tord. Alors quand j'entends parler d'un projet de suite, sachant que le 1er volet se suffisait à lui-même et qu'en plus, il allait y avoir un aspect comédie musicale, Lady Gaga au casting etc. Je me suis dit.. ok le film essaye de capitaliser sur d'autres succès populaire comme par exemple a Star is born ou Lalaland. Le film sort et là surprise générale, il bide au box-office et se fait défoncer par la critique presse et public. Et pour tout vous dire j'ai préféré ce deuxième opus et je trouve que ce deuxième film apporte de la matière au premier film qui était plus convenu, le nourri. C'est un véritable dyptique dont l'un n'est pas totalement le reflet de l'autre mais qui s'imbriquent parfaitement. Je pense revoir à la hausse le premier Joker quand je vois à quel point ce Joker Folie à deux déjoue toutes les attentes des fans (hardcore) du 1, à quel point ce film s'évertue à nuancer et enrichir toutes les thématiques abordées dans le premier.
En voyant Joker Folie à deux, il ne faut pas oublier une chose. Le sujet du film reste Arthur Fleck, et non un film duo avec Harley Quinn au même niveau que notre protagoniste. C'est un film carcéral, sur le milieu des prisons aux États-Unis et sur la médiatisation d'un procès d'envergure. C'est un film, comme le premier qui nous parle des maladies mentales, et de la manière dont la société est complètement démunie, ignare face à elles. Arthur est un être humain brisé, vulnérable, faible, pas spécialement intelligent, ni drôle, ni machiavélique, sa transformation en Joker et l'embrasement qu'il a généré, n'a en rien changé le pathétique de son existence. Il se fait maltraité par les gardes, il erre sans véritable but jusqu'à sa rencontre avec Harley Quinzel qui va littéralement illuminer son existence, même s'il on se rend vite compte que tout cela n'est que du vent, Harley existe, mais elle n'est pas ce qu'Arthur pense qu'elle est, elle n'est pas amoureuse d'Arthur et elle vit dans un monde imaginaire, de fantasme, où le Joker serait une icône qui sortirait libre de son procès, que tout le monde suivrait, aimerait, applaudirait.
Arthur lui, hormis son fantasme de cabaret, plateau tv, il sait que le Joker n'existe pas. C'est d'ailleurs toute la thématique de la magnifique séquence en dessin animé. Pour aller plus loin, Todd Phillips sait que le discours du Joker, bien que compréhensible est inexcusable. Et que vous là, qui vous cachez derrière vos écrans à diffuser en boucle sur TikTok des extraits de ses tirades, et bah, vous allez devoir grandir un peu, et vous rendre compte que tout cela ne tient pas debout et que les vrais origines des actions ou des paroles du Joker sont la misère sociale et la maladie mentale qui l'ont amenés à commettre des actes inexcusables. Imaginez-vous une seule seconde Arthur, arriver à devenir vraiment le Joker, et parvenir à contrôler la masse qui le soutient, à mener une révolte contre l'injustice sociale, les politiciens ou la justice véreuse...Non et ce film enfonce le clou, Arthur est un désaxé mental qui ne contrôle rien, qui n'a pas ni réel talent ni charisme. C'est un mec qui est complètement dépassé par les événements et qui ne cherche qu'une chose, être aimé par au moins une personne, qu'il croit être Harley Quinzel, et il va déchanter. C'est ça que le film raconte, alors c'est sûr c'est pas folichon, d'autant que l'aspect comédie musicale est nuancé par plusieurs points, d'abord la performance vocale n'est pas au rendez-vous car ni Phoenix ou son personnage ne sont de bons chanteurs, Gaga, elle, fait tout pour dissimuler son magnifique organe, mais des fois, elle en fait usage, plutôt une bonne chose quand on sait que Harley est une bourgeoise et qu'elle a fait du chant à priori (puisque les deux se rencontrent dans une chorale) et puis, Arthur, n'a pas des rêves de grandeurs démesurés non plus, donc les chorégraphies sont plutôt simples, intimistes, sans trop d'artifice, pas plus que les décors ou costumes ou figurants dans ces scènes et je ne parle pas des chansons, beaucoup sont inconnues au bataillon ou pas suffisamment pour que le public chantonne en même temps que les personnages. Et en parlant de chantonner, ça n'arrête pas tout le long du film, les personnages fredonnent, chantonnent sans quasi discontinuer. S'il on recense tous les titres fredonnés, il y en a au moins 25-30 dans tous le films, c'est beaucoup, c'est trop. Mais c'est le seul vrai défaut du film donc je lui pardonne.
Voilà Joker Folie à deux c'est un film qui ne raconte pas grand chose, s'il on souhaitait de base qu'Arthur embrasse son ersatz de Joker (bien moins intéressant au demeurant que Arthur si on creuse un peu), commettent maintes et maintes folies ou crimes dans Gotham aux côtés de sa dulcinée, et même peut-être, voir l'ombre d'un Batman...XD
Et ba non coco, là on parle de l'humain, on parle des désaxés, des malades, des malheureux, des malhonnêtes et des manipulateurs (Harley et les gardes) sur fonds de film carcéral (ouais, l'environnement est pas super sexy) et de procès (là aussi ça vend pas du rêve aux fans de Batman). D'autant que la partie procès est assez convenue, on enchaine les témoignages, mais attendez, l'avocat de la partie adverse c'est Harvey Dent et qu'il va finir défigurer suite à l'attentat commis contre le palais de justice, vous devriez être content...Blague à part, moi j'ai tout de même apprécié ces séquences procédurales, notamment quand Fleck est face à son ex-collègue le nain, extrêmement touchant et on remarque bien dans la défense du Joker à quel point cette figure est vaine et n'a aucun sens.
En bref c'est un film que peu de gens ont compris, car il abandonne très vite l'aspect politique du premier, c'est un film qui humanise encore plus Arthur en le confrontant à une "relation" et qui creuse un peu plus sa psychologie, c'est d'ailleurs pour cela qu'à maintes reprises, on voit Arthur ridiculisé puis icônisé ainsi de suite, pas parce que le film se contredit comme j'ai pu entendre mais bien parce qu'Arthur, c'est tout ça à la fois.
Chapeau à Todd Phillips donc, un des films les plus couillus de ces dernières années, bien plus que le premier volet. Il nous signe cette fois un film assez apolitique, les extrémistes de droites comme de gauches vont se casser les dents dessus et ça, ça me fait extrêmement plaisir.
Le gars a tellement pris à revers tout le monde que les gens inventent des problèmes aux films comme par exemple le manque de temps de présence de Lady Gaga, alors que son personnage plane littéralement sur le film tout du long...C'est vraiment amusant de voir à quel point les gens n'ont rien compris à ce film (ou au précédent d'ailleurs), à ce dyptique.
Et en plus le film est assez bien réalisé...enfin on va dire que c'est surtout les plans qui sont très jolis, belle photo, belle composition de cadre, jolis contrastes, en terme de déplacement de caméra, là ce n'est pas aussi bien fichu.
PS: Spoiler, On apprend à la fin que Arthur Fleck, misérablement assassiné dans sa prison n'était donc pas vraiment LE Joker, l'antagoniste de Batman, mais que peut-être, son assassin, lui, en aurait les capacités et aussi l'apparence (on le voit se tailler son fameux sourire avec son couteau) et c'est encore une fois un vibrant hommage au comics dont on sait que dans certaines versions, le Joker était plusieurs personnes et (ou) avait plusieurs identités, qu'il était parfois à la base un comique raté ou un homme sain d'esprit qui se faisait passer pour fou pour éviter la peine de mort. De même que Arthur, serait une sorte de "Red Hood", un symbole qui aurait inspiré le vrai Joker et que tout le monde aura oublié avec le temps.
En cela la fin est parfaite et encore une fois, merci à Todd Philips qui non content de signer deux bons films (attention ce ne sont pas non plus des chefs d'oeuvre), empêche toute possibilité de suite.