Josep est formidable a plus d'un titre.
Il ne donne aucune leçon de morale ou de repentance, tout en évitant, le plus clair de son temps, de souligner inutilement le propos tenu ou encore de dresser expressément des parallèles hasardeux avec notre époque.
Josep lève un coin du voile sur le tabou de l'exode des espagnols fuyant la répression franquiste. De l'accueil qui leur a été réservé par le soi disant pays des droits de l'homme. Il mêle la grande histoire à celle, plus petite, vécue et ressentie des deux côtés des barbelés, unique horizon que l'on a su promettre à un peuple en exil.
Une histoire dépeinte dans un espoir balayé dès les premières secondes du film, dans toutes les brimades subies, le rejet enduré, la cruauté et la souffrance ordinaires, érigés en comportements habituels. Josep montre tout cela, sans pour autant susciter la pitié ou se montrer racoleur.
Josep donne à voir et à réfléchir. Tout en approchant par instants le traumatisme ainsi que l'abstraction onirique, comme avait pu le faire Ari Folman dans sa Valse avec Bachir. Il témoigne, tout simplement, d'un temps pas si lointain, sombre et peu connu. Il témoigne à travers le dessin, ces instants capturés, qu'ils soient de grâce ou d'agonie, par l'art de Bartoli qui navigue entre la caricature et le réalisme le plus terrible. Mais d'autres sur le site vous ont certainement déjà expliqué tout cela mieux que moi.
Mais Josep s'impose aussi, et peut être surtout, comme une fragile histoire sur la transmission. Celle de la mémoire en forme de pont jeté entre deux générations qui ne se connaissent et se comprennent malheureusement que peu. Et par l'intermédiaire de cette résistance minuscule à hauteur d'homme, c'est un petit-fils qui découvre enfin son grand-père, qui fait connaissance avec un juste, quelqu'un d'honorable mais qui ne se définit à aucun moment comme un héros.
Et immédiatement, c'est un regard qui se remplit d'étoiles et d'admiration. C'est un regard d'une génération sur l'autre qui change, qui se voit transformé avant qu'il ne soit trop tard.
Ce point de vue remplit Josep d'une dimension romanesque plaisante et immédiatement attachante, qui permet au spectateur de s'approprier des faits terribles et de donner une dimension intime au film, culminant dans une image finale forte et terriblement émouvante, centrée sur une histoire et une mémoire toujours vivante et désormais complète. Tandis que le geste artistique, vibrant, éclabousse chaque image. Tandis que l'animation, fonctionnant souvent sur des plans quasi fixes, épouse le souvenir qui prospère dans la mémoire sous forme d'images.
Bartoli méritait bien un tel hommage, aussi habité que poignant.
Behind_the_Mask, Espaňa por favor.