On ignore si c’est par économie de moyen ou si c’était dans la tête d’Aurel dès le lancement de son projet, mais ce qui frappe en premier lieu dans ce Josep, c’est que ce n’est pas un film d’animation.
Le long métrage semble plus proche d’une bande dessinée à laquelle on donnerait vie en demandant à des acteurs de la lire.
Les images se succèdent et on comprend la progression de 3 hommes à travers la neige comme on le ferait en passant de case en case.
Cette rigidité des volumes et des êtres rend l’entrée en matière âpre, d’autant que les traits sont eux même sombres, rappelant au passage le style de Tardi (le sujet s’y prête également).
Et puis on s’y fait, on comprend que le style fait partie du propos, et mieux on adhère à cet hommage façon poupée russe: le dessin dans le dessin dans le dessin….
Josep est un éloge de l’art pictural: du dessin qu’on continue à tracer même dans la terre quand on n’a pas d’autre support. L’art est une thérapie pour celui qui souffre, une mémoire pour se souvenir des vivants qu’on a aimés, ou pour raconter les horreurs, pour exprimer ses émotions.
C’est un exutoire et un support pour entretenir l’histoire, pour qu’un vieillard puisse ressasser ses souvenirs et les transmette à son petit fils.
Josep part des vrais témoignages de Bartoli pour créer sa propre fiction, un mélange de vérité et de fiction dont Aurel ne se cache pas, usant du prétexte du vieillard qui divague pour justifier l’altérité du récit.
L’histoire est touchante, elle permet de mettre le nez sur un épisode méconnu de notre histoire moderne, mais c’est aussi et surtout un magnifique hommage.
Aurel varie les styles, proposant des tableaux qui s’adaptent à chaque fois au récit: les couleurs et les formes varient en fonction de ce qui est raconté: par moment l’animation se fluidifie pour rejoindre une histoire qui s’éclaire elle aussi.
L’adéquation entre le propos et le support est tellement évidente qu’on oublie vite le petit temps d’adaptation qui a été nécessaire au départ, et c’est l’inverse qui se produit.
Quand le livre d’images se referme, on peine à regarder autour de nous et reprendre contact avec le monde réel, celui d’où toute cette horreur est partie.
Parce qu’au fond on n’a jamais oublié que tout ça c’était surtout une histoires d’hommes qui en maltraitent d’autres pour des idées abstraites.
Heureusement, en optant pour l’angle de la transmission familiale, le film ménage de beaux moments qui redonnent foi en l’humanité.
Josep est un hommage magnifique aux gentils gars qui osent désobéir même si c’est un tout petit peu, aux hommes qui ont souffert dans l’indifférence générale, aux artistes qui ont pu en témoigner, et forcément à Josep Bartoli.
C’est beau, émouvant, et on a le sentiment d’avoir beaucoup appris pendant ces 74 minutes magiques.