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Clint Eastwood débute sa carrière de réalisateur au tournant des années 1970, alors qu’il a bénéficié des enseignements de ses deux maîtres : Don Siegel et Sergio Leone. Lui qui était devenu une figure emblématique du western, il était tout naturel qu’il s’attaque au genre depuis l’autre côté de la caméra. Mais le genre étant en désuétude depuis la décennie précédente, seulement sauvé par le renouveau du spaghetti, il se devait de lui apporter une touche moderne, un traitement qui se débarrasserait des oripeaux du vieil Hollywood pour proposer quelque chose de plus cru, de plus réaliste et de plus nuancé. Un western révisionniste.
En cinq minutes, Eastwood nous présente son personnage, et les motivations qui vont le pousser à travers tout le film, dans une introduction à la brutalité et à l’efficacité redoutables. Josey Wales a tout perdu, et se lance dans une quête vengeresse qui le mêle à l’Histoire du pays qui est en train de s’écrire. Il rejoint une troupe sudiste en pleine Guerre de Sécession, et refuse la reddition alors que son côté est battu. Ainsi naquit un anti-héros qui crache sur tout le monde, même les chiens, mais qui vit selon ses principes dans une apparente justice morale.
Ce qui démarre comme un road movie porté par la haine se transforme pourtant peu à peu en une oeuvre lumineuse sur la rédemption et la réconciliation. Alors que tour à tour il fuit ou pourchasse ses ennemis en tous genres (soldats de l’union, chasseurs de primes, bandits…), une famille de substitution se crée autour de lui contre son gré. Cet homme qui cherche la mort voit la vie s’accrocher à lui. Et lorsque, enfin, il accepte que sa parole de vie soit plus importante que sa soif de vengeance, il trouve son Eden, loin de ce monde fou où les frères s’entretuent et se vendent au plus offrant.
La figure même de Josey Wales, aux antipodes du Blondin de la Trilogie du Dollar, suit un parcours évolutif qui l’empêche de peu de devenir la figure amère de Unforgiven. Grâce aux relations nouées à contrecœur, notamment avec l’amérindien Lone Watie (premier rôle substantiel donné à un natif américain dans le cinéma américain, où les stéréotypes sont balayés pour présenter un personnage en phase avec son temps et non dénué d’humour). Mais il est aussi un représentant du trouble qui agite l’identité américaine dans les années 60 et 70, alors que le pays est en proie au chaos dans les remous du Vietnam. Un parallèle évident au vu des échos encore vivaces à l’heure où j’écris ces lignes, et que le pays est à nouveau dans une tourmente intestine.
Profondément humain, déroulant des paysages splendides, et souvent cocasse, The Outlaw Josey Wales entérine Clint Eastwood comme un réalisateur majeur, qui ne cessera de marquer l’histoire du septième art durant les cinq décennies qui suivront.