Lorsqu’on regarde une parodie issue d’une culture exotique, on manque la plupart du temps des références qui permettent d’apprécier les clins d’œil et les détournements sur lesquels se fonde le film. C’est le cas avec "Jossy’s", qui prend le parti de se moquer gentiment d’un genre de cinéma typiquement japonais, le sentaï – encore qu’il s’agisse davantage d’œuvres télévisuelles que réellement cinématographiques. Les sentaï se définissent comme des récits d’aventures sur fond de science-fiction mettant en scène (je cite Wikipedia) « un groupe de héros en costumes colorés qui luttent contre les forces du Mal pour sauver la Terre […] généralement soutenus par un mentor ». On les connaît en Occident grâce à la série "Bioman" (une des rares à avoir été exportées) ou par une adaptation américaine du genre, les "Power Rangers" – séries et films que je n’ai pas vus et dont je ne peux donc pas vous parler.
Charles, un homme assez confus et pas vraiment au clair avec sa mission, dont on ne sait pas trop s’il est officier des services secrets ou occupe une autre fonction dans l’ombre, a réuni tout à fait au hasard cinq femmes dans la population japonaise, représentatives d’une certaine diversité sociale : on trouve en effet une ouvrière en bâtiment (qui se fait exploiter pour pouvoir envoyer son petit frère à l’école), une comédienne de théâtre (qui joue le rôle minimaliste d’un arbre dans une pièce contemporaine), une grande bourgeoise, une employée de boutique de mode et une architecte. Il se trouve que chacune d’entre elles porte un prénom comportant une couleur, raison pour laquelle Charles leur attribue un uniforme correspondant – respectivement rouge, vert, bleu, jaune et violet. Ensemble elles constitues les Jossy’s, un escadron de justicières dont la tâche est aussi claire que répétitive : sauver le monde de divers monstres – on parle dans les sous-titres de “fantômes” – venus de l’espace pour conquérir notre planète.
C’est dans les jeux sur les codes du genre que le film s’avère parodique. Les fantômes de l’espace, aux déguisement carnavalesques, viennent des quatre coins de l’univers mais ils sont invariablement accompagnés des mêmes troupes de guerriers (des ninjas masqués en pyjama noir), à croire qu’ils recrutent tous dans la même agence intersidérale de mercenaires ! Ils choisissent toujours pour débarquer et combattre un chantier abandonné, entre désert et terrain vague, clin d’œil aux petits budgets des sentaï, lesquels obligeaient les réalisateurs à tourner dans ce type d’endroits tout en faisant croire qu’il s’agissait de paysages de montagne. Le mentor Charles, loin d’être un vieux sage ou une figure de référence, est un personnage ridicule, dépassé par ses responsabilités, incapable d’autorité, souffrant de problèmes d’élocution, n’apparaissant aux héroïnes que sous la forme d’un hologramme et flanqué d’une marionnette de chat qu’il tente de faire parler comme un ventriloque. L’aspect le plus amusant réside dans le fait qu’il est difficile pour ces cinq femmes, qui exercent toutes un métier, de prendre des congés lorsqu’une alerte est lancée. On discute salaires et compensations comme n’importe quel travailleur qui serait réquisitionné dans la société locale de pompiers ou pour accomplir une quelconque tâche civile. Quelle est ma priorité, se demande Red, décrocher ce contrat pour la construction du nouveau musée ou mettre hors d’état de nuire un énième fantôme qui menace la paix mondiale ? Quel est le plus important, se demande Yellow, compter les quidams qui passent par cet escalier, comme me l’a demandé mon patron, ou sauver le monde ?...
Un divertissement rafraichissant, sans plus, mais qui délasse par son second degré.