Deux fils dont un facho
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Film sociétal au sujet dense, Jouer avec le Feu promet de traiter la question de l’embrigadement de la jeunesse par les mouvements d’extrême-droite à travers le prisme d’une relation père-fils qui se détériore.
La manière dont elles questionnent l’inconditionnalité de l’amour paternel est le point fort du film de Delphine et Muriel Cousin. Elles peuvent en cela compter sur un Vincent Lindon comme toujours impeccable. Il a peu d’équivalent pour exprimer les émotions qui traversent ses personnages. Il traduit parfaitement le désarroi et l’incompréhension d’un père face au chemin qu’emprunte son fils aîné (joué par Benjamin Voisin avec une intensité parfois mal maitrisée, proche du surjeu) à des années lumières des valeurs qu’il lui a inculqué. Comment, alors qu’il a été élevé avec des principes humanistes, a-t-il pu forger des amitiés avec des suprématistes ? Comment lui et son père ont-ils perdu le lien ? Jouer avec le Feu s’intéresse à ce qui s’abîme, se détruit mais aussi ce qui reste de ce lien père/fils après les choix contraires et l’impardonnable.
Mais il s’intéresse beaucoup moins aux mécanismes qui ont conduit Fus à sombrer dans la violence, et en cela passe à côté d’un sujet passionnant car peu traité dans le cinéma français. On aurait aimé que le scénario creuse la question de l’émergence de groupuscules d’extrême-droite de plus en plus vocaux et assumés, qu’il révèle les réseaux qui leur permettent de prospérer, leurs méthodes de recrutement, comment ils arrivent à retourner les cerveaux de la jeunesse.
En choisissant de privilégier les conséquences aux causes, les réalisatrices laissent passer l’opportunité de donner une dimension sociologique puissante à leur film.
D'autant que le récit cède à certaines facilités pour appuyer sa dimension dramatique. Un père veuf, cheminot, aux valeurs de gauche, un fils qui vire facho parce qu’il se pense moins brillant que son petit frère, on n’est pas loin de la caricature. Les réactions du cadet ne sont d’ailleurs pas toujours très compréhensibles, il semble parfois excuser son frère, ce qui donne un étrange sentiment de complaisance vis-à-vis des choix de ce dernier. Jouer avec le Feu manque ainsi une occasion de vraiment condamner l’inquiétante résurgence des mouvements néo-nazis un peu partout dans le monde et la passivité des pouvoirs publics face au phénomène, il passe à côté d’une mise en garde contre la montée des extrémismes que le film aurait pu étayer en disséquant leurs mécanismes de séduction de la jeunesse. Il se contente d’être un puissant drame familial. On reste sur notre faim.
Créée
le 28 janv. 2025
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