"Je vois à travers mes larmes, mais personne ne vient me les essuyer"
XVIIe siècle, Danemark. La chasse aux sorcières bat son plein, avec tout son lot de cruelle mauvaise foi qu'on lui connaît. Absalon, le pasteur, a épousé la jeune Anne, fille de sorcière, et s'apprête à retrouver son fils, Martin. Meanwhile, une vieille femme, pourchassée pour sorcellerie, débarque chez Anne, lui demandant de l'aide en souvenir de services rendus...
Le scénario est très classique, malgré le contexte dans lequel il se place (subtile référence au nazisme, d'ailleurs). Le début du film insiste bien sur les âges respectifs d'Absalon, d'Anne et de Martin. En l'espace de 20 minutes, donc, tu comprends qu'elle ne peut pas aimer son mari parce qu'il est vieux et qu'elle se tournera vers son beau-fils. Ce qui est tout de même intéressant, c'est le côté tragédie antique que le film adopte : la passion que nourrit Anne envers Martin n'est pas sans rappeler le mythe de Phèdre, qui ici aurait réussi son coup. Jusqu'à quel point ?
Ce que je retiendrai plus du film, c'est son montage, qui est mille fois plus éloquent que le scénario ou les dialogues. Les scènes qui vont du couple batifolant au pasteur vieillissant ou encore au clerc moribond regorgent d'interprétations possibles (rien qu'au moment où j'écris cette critique, je viens de capter une autre signification à ces scènes) et font vraiment l'essence du film. Il ne faut pas non plus oublier la prestation de Lisbeth Movin, qui incarne une Anne très ambiguë : vu d'abord comme une jeune fille innocente, elle ne cesse de montrer tout au long du film son vrai visage jusqu'à nous laisser (positivement) perplexe à la fin.
Le jour de la colère est à voir, à mon avis. Pour les cinéphiles, c'est Dreyer qui est à la réalisation. Pour ceux qui connaîtraient moins, il a réalisé La Passion de Jeanne d'Arc. Pour ceux à qui ça ne dit strictement rien, c'est un type qui aime bien les femmes aux bûchers.