« Une année, un film » : Jour de colère, réalisé par Carl Theodor Dreyer et sorti en 1943.
Carl Theodor Dreyer, réalisateur emblématique de la première moitié du XXe siècle, l’un des pionniers de l’école danoise, signe ici, après La passion de Jeanne d’Arc (1928) et Vampyr (1931), l’une des pièces maîtresses de sa carrière.
Au début du XVIIe siècle, Anna, une jeune femme, vit avec son mari, le pasteur Absalon, et sa belle-mère. Menant une vie triste et morose, celle-ci va voir son destin s’accélérer avec l’arrivée de Martin, fils d’Absalon, issu d’une première union, et de Merte Herlofs, une dame âgée accusée de sorcellerie.
Ce qui frappe probablement le plus dans Jour de colère, c’est l’austérité dégagée par le film. Une austérité qui se ressent d’abord à travers la relation inexistante entre Absalon et Anna qui, bien que mariés, ne se ressemblent aucun point. Lui représente la piété et l’absolue dévotion à Dieu, pendant qu’elle incarne la jeunesse pleine d’espoir et d’ardeur, des sentiments qu’elle ne peut cependant pas manifester dans cette vie qui l’ennuie et la prive de joie. Néanmoins, l’austérité dont je faisais mention au-dessus n’est qu’une apparence, volontairement imposée à nos yeux pour mieux faire ressortir ses opposés.
Carl Theodor Dreyer met avant tout l’accent sur les sentiments d’oppression et de répression insufflés par le radicalisme religieux de l’époque. L’enfermement que subit Anna se ressent d’autant plus lors des scènes d’extérieur, qui semblent mener vers un renouveau, même si l’on sait que ce n’est qu’un bref éclat de lumière dans l’obscurité. Le réalisateur insiste sur l’aspect pesant de l’ambiance, l’inlassable quête de liberté, poursuivie par la douleur et la souffrance qui guettent les personnages du film. Cela se voit notamment lors de la séquence (volontairement alternée avec des scènes se déroulant au domicile d’Anna et Absalon) où Merte fuit de chez elle pour éviter d’être capturée, et dont on suit la progression à travers le village. Les lumières sont également très importantes, focalisées sur les visages lors de contrechamps et des plongées en gros plan, l’obscurité les entourant, pleine de mystères et de dangers.
« Écoute ton cœur, mais ne le laisse pas parler », ainsi pourrait-on résumer la leçon imposée aux personnages du film. Jour de colère est un film martyr, l’histoire de sentiments opprimés par des dogmes religieux inexpugnables. La repentance, la fougue, la quête de liberté, l’amour, autant de sentiments qui animent ces cœurs avant tout humains, qui, finalement, exploseront au grand jour lorsque l’impitoyable jour de colère adviendra.
Lire l'article sur mon blog