Les "modèles" ne jouent plus, la mise en scène n'est plus dramatique, les images et les sons qui se bousculent ne cherchent pas à "expliquer" le film (ils sont le film...).

Ce film, nimbé d'une foi dévorante trop profonde pour être dite, retrace l'histoire, à travers son journal, d'un jeune curé tourmenté, de sa mutation dans une paroisse de campagne jusqu'à sa mort, quelques mois plus tard. Il a le visage pâle, l'air inquiet, et surtout, "de très beaux yeux" (dixit une élève du catéchisme qui se moque de lui). Il tient des discours austères plus froids que son visage troublant. C'est un jeune homme fragile; il ne tient pas bien sur ses deux jambes, il est souvent pris de malaises. Il souffre sans le savoir d'une maladie liée à l'alcool et suit un régime de pain sec et de vin : ceci est ton corps, ceci est ton âme. Il semble rongé par une maladie de l' âme, également. La foi est-elle donnée ? Procure-t-elle force et énergie au fervent chrétien ?

On ne le voit pas prêcher. Il fait des visites, entend les confessions. Il assure des cours de catéchisme qui lui donnent beaucoup de mal, car les petites sont très cruelles avec lui : elles le reconnaissent tout de suite comme "une petite nature".
Un maître spirituel lui fait des remontrances sur ses méthodes et son mode de vie.
Une adolescente amère dont le père trompe sa femme avec une jeune institutrice se protège derrière des remparts de méchanceté, se répand en rage à peine contenue contre tout le monde, et s'acharne sur le curé parce qu'il refuse de répondre à sa haine. Une autre, plus jeune, le méprise, en apparence. Mais quand il gît dans la forêt -magnifique scène d'ivresse et d' abandon- , c'est elle qui l'aide. Une vieille dame (la femme trompée) ne veut pas faire le deuil de son petit enfant, mort (du coup, sa fille est mal aimée ).
La vieille dame dit au curé : " Vous m'excusez, si je vous parle comme à un enfant, c'est parce que vous êtes un enfant." Il me semble qu'à travers lui, (qu'on ne voit sourire qu'une seule fois : quand un voisin le raccompagne en moto) et les autres personnages, le film parle d'une intuition religieuse qui vous taraude, d'un arrachement pénible, d'une enfance qui n'en finit pas de mourir.

Ce n’est pas tant le rejet de la population, persuadée de son incompétence indécrottable, mais bien leurs errances et leurs fautes qui éloignent le curé. Malgré tout, celui-ci répond à sa tâche le mieux possible et sans baisser son attention. Comme son corps, très faible de manière intrinsèque (autre trés belle scène chez le docteur : tout s’est joué avant la naissance !), le trahit régulièrement, l’effort est surhumain, méritoire, mais ressemble également à un abominable chemin de croix.

Film monde, comme si L'idiot de Dostoievski qui, au lieu de changer les hommes par sa profonde innocence, se retrouverait victime de ses hommes orgueilleux, égoistes, arrivistes, méprisants, prétentieux et volontairement mesquins. Film Sublime, d'où ressort une volonté extreme d'inscrire le cinéma comme un art indépendant

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le 20 juin 2013

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Kaneda

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