Avec son titre qui renvoi à Jean Genet, Journal d’un voleur de Shinjuku se démarque dès le départ comme une proposition de cinéma libérée. Film-témoin du mouvement post-68 du point de vue du Pays du Soleil Levant, récit d’une délivrance sexuelle que le réalisateur Nagisa Oshima semble – plus que jamais – avoir poussé jusqu’à son paroxysme, mais surtout expérimentation formelle qui n’est pas sans rappeler les délires les plus faramineux de Shuji Terayama.
Oshima passe d’un noir et blanc sublime aux atmosphères colorées héritées des sixties. Tout se complète et s’oppose dans sa mise en scène : plans-séquences incroyables dans une bibliothèque grouillante, et montage rapide de cadres fixes. Narration décousue et folle tentative de brouiller les codes du réel, Journal d’un voleur de Shinjuku est un récit allumé mais pourtant d’un très grand sérieux. C’est là la limite du film d’Oshima : avec un fond un rien barbant, le réalisateur parle dans le vide, et c’est seulement son art incroyable de la rhétorique – avec cette leçon de mise en scène incroyable – qui maintient finalement l’attention de l’observateur.
Du génie, il y en a, mais comme d’habitude, l’écriture répétitive et bien trop démonstratrice rend les dialogues artificiels et donne à chaque scène expérimentale une allure superflue. Facile mais novateur, Journal d’un voleur de Shinjuku repousse autant qu’il fascine. Une contradiction qui signe malheureusement son plafond.
Oshima va peut-être un peu trop loin, mais on ne peut renier la sincérité de sa plume. En composant avec talent ce puzzle visuel foncièrement amusant, il signe le témoignage d’une époque révolue : cette génération anti-Vietnam, rêveuse et utopiste, qui de par sa libération morale aura définitivement modifié le visage du monde. C’est peut-être agaçant, mais il y a beaucoup de vrai dans ce cinéma de l’irréel fantasmé.