Il ne suffit que d'une fraction de seconde pour constater le gouffre esthétique qu'il y a entre les deux films. On voit que Tsui Hark est aux manettes et cette suite/version 2017 explose la rétine à chaque plan. C'est d'une démesure visuelle et plastique ahurissante avec des couleurs somptueuses, des détails à profusion, des décors gigantesques et accessoirement une 3D qui éblouit de bout en bout avec des pointes de poésie (les cheveux dans l'eau!). Il n'y pas l'ombre d'un doute : pour l'utilisation de la 3D Tsui Hark enfonce toute la concurrence et prouve qu'il a définitivement compris le médium. Il l'exploite autant que possible, jouant beaucoup sur différentes strates colorées pour créer une ambiance très comic book. C'est un vrai régal pour les yeux, tant dans l’opulence (le palais oriental) que dans la retenue (les scènes de camps nocturnes). Il faut ajouter à ça quelques séquences d'action ébouriffantes et d'une maitrise impeccable comme la séquence affolante avec les femmes araignées ou celle du démon jouet.
Et pourtant, le film se révèle inversement froid et ne crée pas un enthousiasme sur la longueur.
La raison vient en grande partie du scénario qui cette fois suit la structure du roman même si les péripéties sont là encore inédites. C'est donc plutôt mécanique dans l'enchaînement des situations et surtout les personnages ont perdu toutes humanité et complicité. Ils ne sont jamais fouillées comme si les auteurs se disaient que les spectateurs (chinois) sont désormais en terrain connu avec quatuor et qu'il n'y avait pas besoin de les développer. Une erreur grossière tant l'alchimie est inexistante dans la relation entre les personnages et que, sorti du Roi singe et du moine, tous les autres sont inexistants (à noter que le cheval/dragon n'apparait même pas). Le problème vient aussi d'un casting décevant assez fade et transparent. Et puis, le petit twist sur le piège à la fin du film n'est pas du tout cohérent avec le roman et l'esprit des personnages.
De plus, l'humour a ici presque totalement disparu et les gags restant sont pour le moins basiques et tiède. Finalement le plus drôle étaient les teasers mettant en scène Tsui Hark et Stephen Chow.
Le dernier souci vient aussi de la réalisation de Tsui Hark qui pense tellement à la démesure graphique que son filme n'est pas aussi spectaculaire ou divertissement qu'on pourrait le croire. Le climax balance des SFX et des plans iconiques à tout bout de champ mais n'a rien de grisant en fait. A la rigueur, celui du Roi singe 2 de Soi Cheang était plus fun avec son armée de crânes volant.
Comme le disait un ami, un film entre deux chaises donc. D'un côté, la beauté de sa direction artistique et la folie de sa mise en scène (3D incluse) sont indéniables mais on ne peut pas nier que ça tourne trop dans le vide.