Découvert à l’UGC des Halles à Paris dont on ne saurait trop louer la très large programmation, j’allais avec bonne volonté et sans aprioris découvrir mon premier film pakistanais. J’avoue avoir été déçu d’autant plus que j’avais auparavant lu une presse unanimement dithyrambique. Le film, parfois intéressant, ennuie souvent et échoue à dépasser son sujet édifiant.
A Lahore au Pakistan, Haider et son épouse, cohabitent avec la famille de son frère au grand complet. Dans cette maison où chacun vit sous le regard des autres, Haider est prié de trouver un emploi et de devenir père. Le jour où il déniche un petit boulot dans un cabaret, il tombe sous le charme de Biba, danseuse transsexuelle sensuelle et magnétique. Alors que des sentiments naissent, Haider se retrouve écartelé entre les injonctions qui pèsent sur lui et l’irrésistible appel de la liberté.
L’adultère est apparemment un vrai sujet au cinéma, si l’on sait que le film d’Héloïse Pelloquet ‘La passagère’ traite également de ce thème. Le film raconte en effet l’idylle passionnée et secrète entre un homme marié avec une danseuse transsexuelle (un homme devenu femme). Le réalisateur a son sujet. Il est édifiant et disons-le franchement du bon côté du manche. Comment critiquer ou être contre un tel sujet ? Car le sujet en lui-même n’est pas un problème. Le souci, en revanche, est le cinéaste n’en fait rien et de ce sujet original (sans doute, le premier pakistanais à ouvertement évoquer la transsexualité), il n’en tire qu’un petit mélodrame à la trame convenue.
Pour qui voudrait découvrir un film pakistanais et en savoir plus sur ce pays (que personnellement je connais mal), le film n’est pas totalement dénué d’intérêt. On y découvre une société prise entre la culture indienne et culture musulmane et ou la langue est un mélange d’arabe, de langue indienne et d’anglicisme. La société est à l’image de la famille du film, dirigée par un père patriarche qui ordonne à son fils de trouver un emploi et d’avoir un emploi. Les femmes sont emprisonnées dans des carcans, en ce qui concerne leur situation familiale (elles sont priées de s’occuper du foyer tant que le mari travaille) mai aussi leurs vêtements (qui doivent être serrés). Les vies humaines sont assez cadenassés et les moments de liberté sont rarissimes. Les désirs sont contraints à être vécus en catimini dans une cours le soir, dans des ruelles isolées ou au sein d'une communauté trans.
Mais justement, le film est un peu prisonnier de sa démarche naturaliste et de son obsession de dépeindre de façon réaliste, frontale et lisible le Pakistan d’aujourd’hui. Le romanesque n’a pas beaucoup de place pour exister. La comparaison avec le remarquable ‘Leïla et ses frères’ de Saeed Roustaee est un peu accablante. L’intime (c’est-à-dire la famille) se mêle plus difficilement au politique, au social. Le film de Saim Sadiq n’a pas la complexité du film de Saeed Roustaee. Les oppositions familiales sont assez schématiques. Il y a deux frères. L’un travaille, l’autre pas. Il y a deux belles-sœurs. L’une est belle, ne travaille pas et mère de cinq enfants. L’autre a un physique plus ingrat comme usé par la vie, se bat pour continuer à travailler et n’arrive pas à avoir d’enfants.
Malgré toutes les critiques que je viens de soulever, le film n’est pas exempt de beaux moments comme cette virée entre belles-sœurs à la fête foraine comme seul instant de liberté et complicité de ces femmes, où comme ce bouleversant cri du cœur de cette voisine sur sa condition. C’est au cours de ces rares moments que l’émotion nait et que l’on quitte le naturalisme plat et le film à sujet.
Visuellement, le film est parfaitement maîtrisé. J’ai le souvenir de plans marquants comme celui de cet oiseau qui se reflète dans une mare de sang. Saim Sadiq utilise de jolis chromos pour exprimer le désir mais hélas le fond du film n’est pas à la hauteur.