Nous étions amis...

La Corée ! Bon quand on parle Corée du Sud et cinéma, on parle généralement de bons films (hum, Dragon Ball, hum, les films d'animations des années 90). Mais quand on évoque Park Chan-wook, on parle généralement de bon film. Je n'ai pas vu Old Boy (rangez-les fourches les fans !!!) mais j'ai vu Lady Vengeance qui est vraiment cool, Stocker que je n'accroche pas des masses et Mademoiselle qui est tout simplement pour moi le meilleur film de 2016 (et quand on a vu ce film, ce n'est pas étonnant que 50 Nuances de l'Arnaque est une saga de merde doublée d'une arnaque en tout point). Mais avant ce film, un autre film a montré que le grand Park Chan-wook est pratiquement l'équivalent de Spielberg dans la péninsule. Ce film est JSA (qui n'est pas la Justice Society of America, oui il fallait la faire cette blague). J'ai beaucoup entendu parlé de ce film sans pour autant le voir. A l'occasion de sa ressortie en version restaurée, j'ai découvert ce film qui est une vraie tuerie (malgré un certain point de vue marqué).

Conte de la zone de démarcation

Le film est une enquête très bien réalisé avec pas mal d'effets de réalisation très inspirés. Comme à son habitude, Park Chan-wook utilise la réalisation afin de raconter les événements et, dès le début du film, parvient à nous surprendre. Ce film est un révélateur de ce qu'il fera par la suite. On a une ambiance de conte, une réalisation réaliste et gorgée d'idée, des plans iconiques, et une musique qui marque. J'aime bien les transitions entre le très long flash-back sur les événements centraux entre les 4 soldats. Cela donne 2 films dans un seul film et 2 ambiances différentes. D'une part l'enquête vraiment délicate que mène le major Sophie Jean (on y vient) et d'autres part l'histoire du point de vue du sergent Lee Soo-hyeok (on y vient aussi). La réalisation accentue aussi l'aspect conte et narration avec plusieurs idées à la seconde. C'est vraiment bien fait. Pareil pour la musique orchestrée par Bang Joon-seok et Jo Yeong-wook (ce dernier qui fera la musique de bien d'autres films de Park Chan - wook comme Mademoiselle, Lady Vengeance et Je suis une Cyborg. Bref, c'est un sans faute. Et c'est aussi le cas des personnages.

L'amitié Nord / Sud en question

Au niveau des personnages, nous avons Sergent Lee Soo-hyeok (Lee Byung-hun, super acteur sud- coréen vraiment mal utilisé à Hollywood. Sérieux, son meilleur rôle aux Etats-Unis est dans le remake des 7 Mercenaires. Parce qu'entre G.I Joe 2 et Terminator : Genisys....ouille). Il joue un soldat sud-coréen qui rencontre par hasard ses homologues nord-coréens et qui narre l'histoire au Major Sophie Jean. C'est vraiment une personne à la fois meurtrie et perclus de regret et de secrets. Bien qu'il s'entendait bien avec les soldats qui lui ont sauvé la vie, il est conscient que la situation pourrait être explosive et étant donné que c'est son premier service militaire, il est un peu impulsif.

Sergent Oh Kyeong-pil (le toujours aussi fun Song Kang-ho) est le plus posé des soldats qu'on voit dans l'armée nord-coréenne. Il est fidèle à sa patrie mais espère qu'elle change. Il s'agit d'un ancien soldat, militaire de carrière et bien que cela n'est pas dit, aspirait à un poste tranquille.

Nam Seong-sik (Kim Tae-woo) est le second du Sergent Oh et il est assez fun comme comic-relief. Il est aussi protecteur envers le Sergent Oh et j'aime bien sa relation envers son chien.

Quant au tardif Jeong Woo-jin (Shin Ha-kyun qui a aussi joué dans Lady Vengeance) est un soldat assez craint et qui ne cache pas son hostilité envers le sud.

Je trouve que leurs utilisations sont assez intelligentes dans la mesure où nous assistons dans une presque déconstruction de ce qu'on croit connaître des soldats. Les soldats du Nord, même s'ils suivent les ordres parfois insensés ne sont pas franchement les plus revêches. Là où les soldats du Sud sont bien plus méfiants.

Cela est renforcé par le personnage du Major Sophie Jean (Lee Young-ae qui est l'héroïne de Lady Vengeance !). Ici, elle annonce un peu son futur personnage de Lee Geum-ja. Il s'agit d'une métis coréenne-suisse qui est responsable de l'enquête, mise à mal à cause des tensions entre les 2 factions. Etant donné qu'elle vient de Suisse, elle est sensée être être mais on découvrira qu'elle nourrit un souhait moins noble.

Les autres personnages de l'équipe de Sophie à savoir Major Général Bruno Botta et l'officier suédois sont très secondaires mais leurs interventions sont pertinentes. Seuls membres véritablement neutre de la police, on découvrira qu'ils ont plus un rôle de préserver la paix quitte à enterrer le secret (en tout cas, c'est le leitmotiv du Major, l'officier n'étant dans le film qu'un simple exécutant) ce qui causera à Sophie de graves problèmes de conscience.

Une cicatrice toujours palpable

Le film est non seulement une enquête, mais aussi une histoire d'amitié improbable entre 4 soldats appartenant à 2 camps séparés par l'histoire avec une animosité palpable. Selon leurs lois, aucun d'eux ne doivent être en contact. Et pourtant, un lien se créera entre eux, au point que chacun des 4 hommes voudront que l'autre se retrouve dans leurs pays. Malheureusement, au fur et à mesure ils verront que leurs amitiés est dangereuses et que évidemment cela va mal tourner (et ça c'est mal tourné). L'histoire est bien racontée aux points qu'on a pas de temps morts, pas de flottement) où tout est là et sonne juste. Même le twist sur ce qui est vraiment passé est bien fait et la révélation de la véritable identité de Sophie donne un tout autre sens au film. Il devient un hymne à la paix dans un pays toujours divisé alors que l'Allemagne a été réunifiée (tiens, cela me rappelle que je n'ai toujours pas critiqué Good Bye Lenine), mais que le chemin est loin, très loin d'être gagné au point que tout devient tragique.

Bref, on a une histoire dure et émouvante et sans doute l'un des films les plus poignants de Park Chan - wook.

Un film coup de poing

Je sais que l'expression film coup de poing ne veut rien dire maintenant. Mais celui-là en est un. Maîtrisé, bien raconté, un poil naïf mais toujours juste. Je ne pense pas qu'il s'agit du meilleur de Park Chan-wook et je pense que Mademoiselle ou Lady Vengeance sont objectivement meilleurs. Mais JSA a cette valeur de maître étalon et de grand galon d'essai. Un film vraiment à voir.