Le second long métrage de Jarman naît de rencontres croisées alors que Londres s'apprête à découvrir les Sex Pistols. Décrié par la presse musicale et violemment rejeté par les tenants du mouvement (Vivienne Westwood en tête) Jubilee s'impose peut-être désormais comme le premier manifeste punk. Alors que la Grande-Bretagne, victime de la première crise pétrolière, se débattant avec l'IRA et perdant peu à peu les bénéfices de son Empire Colonial, semble sur le point d'exploser, Jarman y téléporte Elizabeth 1re afin qu'elle assiste impuissante au chaos promis.
La nature contrastée de Jarman, entre conservatisme et marginalité, s'exprime pleinement dans un film dont la joyeuse cacophonie, le bavardage et le libertinage se semblent là que pour masquer une colère lourde et l'impérieux besoin de révolte d'une jeunesse qui n'a plus de raison de croire en quoi que ce soit. Livrée aux promoteurs, Londres se transforme en chantier géant, l'art récupéré par le capitalisme ne veut plus rien dire, le matérialisme a détruit les rêves.
Ainsi, désespéré mais drôle, vociférant et burlesque, nihiliste et parfois violent, Jubilee s'inscrit sans conteste dans le vaste mouvement de rébellion qui a traversé la Grande Bretagne de la fin des années 70. Réunissant à l'écran de jeunes artistes de la scène punk, travaillant avec Siouxsie and the Banshees, à nouveau avec Brian Eno et Lindsay Kemp (qui a chorégraphié la scène d'ouverture de Sebastiane), Jarman filme également le très jeune et craquant Adam Ant à ses tous débuts.
La vraie singularité du film, là où le message politique semble le plus net, tient aussi à sa nature profondément féministe. Libres et dominatrices, ne pratiquant le sexe qu'à leur profit, artistes ou pamphlétaires, les personnages féminins qui peuplent le film jubilent sur les ruines de la société patriarcale. Figures d'une minorité qui se redresse, elles peuvent aller jusqu'à tuer un partenaire sexuel jouissant trop tôt. Presque vingt ans plus tard, les premiers films de Bruce LaBruce aborderont à nouveau cette thématique en montrant que rien n'a changé.