Judex
6.7
Judex

Film de Georges Franju (1963)

Dès les premières minutes, le film distille d'étranges sensations. On est en 1963, Franju rend hommage à Feuillade, et nous voilà plongé au début du XXe siècle, en 1917, en deux bonds de 50 ans en arrière. Mais, assez ironiquement, Judex reste lié à l'actualité en évoquant un banquier véreux impliqué dans des magouilles à Panama... Étonnant, non ?


La première différence de taille avec le feuilleton de près de 5 heures de Louis Feuillade, c'est qu'en dépit de son titre, on n'a à aucun moment l'impression que l'intérêt du film se trouve dans son personnage éponyme. Non, clairement, c'est l'opposition entre deux figures féminines qui prend le dessus. Le charme d'un duel indirect entre la brune déterminée Francine Bergé et la blonde un peu absente Édith Scob. La sensualité active (et très souvent mise en valeur, changeant sans cesse de déguisement, dans sa combinaison noire moulante, sur les toits où avant de se mettre à l'eau, dans un plan en contre-plongée qui retient toute notre attention) d'un côté, et la douceur passive de l'autre, autant de qualités féminines qui éclipsent très vite le justicier du titre pourtant interprété par le prestidigitateur Channing Pollock au physique pas franchement désavantageux.


Difficile de dire si les aberrations et autres grosses ficelles du scénario sont là de manière tout à fait involontaire, ou s'il faut y voir une autre facette de l'hommage à un cinéma vieux de presque un siècle... Mais une chose est sûre, autant on peut pardonner beaucoup de maladresses de la part d'une œuvre réalisée dans les années 1910, autant cela s'avère plus compliqué dans les années 1960. Il y a des rebondissements difficiles à avaler : "Oh, zut, elle ne coule pas !"...


Fort heureusement, Franju diffuse un parfum étrangement singulier ici, notamment lors de scènes inattendues comme celle du bal masqué, avec des figures de volatiles en tous genres conférant à la séquence une dimension surréaliste, expressionniste, et presque onirique. Il y a aussi une série de séquences quasiment muettes, lorsque les acolytes de Judex escaladent un mur comme des ombres ou lors d'un duel nocturne impromptu sur les toits, dans lesquelles toute notre attention se focalisent sur les sons, des bruits de pas, un poignard qui tombe et glisse, une fenêtre qui se brise, deux femmes qui luttent. Quelques sucreries savoureuses qui feront éventuellement oublier les points faibles du reste.


[Avis brut #77]

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le 5 avr. 2016

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Morrinson

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