Alala Kitano, l’homme qui ne me déçoit pas, me choque, m’émeut… Kitano est depuis Sonatine, un de mes réalisateurs préférés si ce n’est l’unique. Ce dernier était un chef d’œuvre et j’ai décidé de m’intéresser à son prédécesseur. Le premier vrai film de Kitano. J’aime qu’on l’appelle comme ça car c’est vraiment là où Takeshi a put poser ses bases et nous rendre un film d’auteur.
Si je devais en parler, c’est un long voyage psychédélique. C’est un film qui expérimente et BeatTakeshi se rôde. Le rendu final nous montre un film sensiorel au couleur saturée, avec le début d’une patte Kitanesque : de long plan séquence, violence poétique/banalisée, plan fixe pittoresque et un humour caractérisé par un dernier point pour moi basique-le jeu de modèle.
Si d’habitude, Kitano se met en scène par ce procédé, il est fait pour illustrer une mélancolie, insufflant un ton élégiaque-le film caractéristique de ça est Hana-bi. Là en l’occurrence c’est tout le contraire, on sent cette énergie de modèle pour créer des personnages et en partie expliciter par lui, très pince-sans-rire. Le ton en devient par moment malaisant et appuie la marginalité des personnages. Le tout crée des séquences tantôt drôle tantôt troublantes, comme la scène du Karaoké dont je me rappellerai toute ma vie. On ressent donc qu’il n’est pas entièrement dans le poétique, malgré des tentatives, où je suis plutôt indifférent comme avec le bouquet de fleures, qui je trouve gagnerait à l’aspect comique et parfois où je suis carrément dedans comme avec la scène finale du camion où l’on se retrouve dans les WCs sur la séquence qui suit.
Ensuite Kitano illustre à la perfection ces moments d’égarements de la vie et notamment avec les personnages marginaux comme ceux montrés. On a traversé quelques chose dans ce film, on a voyagé, sans niaiseries, sans cycles, sans développement de caractère, en tout nihilisme, et ça c’est le beau. Ce personnage qui frôle l’autisme a vu des choses, a rencontré quelqu’un, a soudé quelque chose avec lui en partant à Okinawa et là on arrive à quelque chose, c’est un long voyage où divague les personnes montrées et nous aussi.
Le film est donc plutôt maîtrisé pour un premier mais a tout de même ses défauts, avec des scènes assez brouillonnes et un peu surfaite dans le ton comique, où l’on ressent les premiers pas de Kitano, couplées à un début de film posant les bases d’une manière très lente (qui je dois l’avouer pose un ton assez réaliste et qui nous imprègne dans un quotidien) qui deviennent soporifiques à cause de l’échec comique (causé par son didactisme) insufflé à ces séquences, par exemple les blagues sur la rapidité de Kazuo ou bien les séquences avec le jeune homme blond. Je dois aussi dire que l’échec du ton comique de ces séquences crée un décalage avec la violence insufflée: tout le monde se tape pour rien, de manière ininterrompue et invraisemblable. Le ton ne correspond pas et l’on est un peu perdue car le film est dans ce passage, assez confus entre un ton réaliste qui donc n’y correspond pas et un ton comique qui va se préciser dans la suite du récit mais qui pour l’instant est assez téléphoné (exemple toute les scènes de Yakuza).
Enfin bref il n’empêche que c’est un premier film vraiment pas mal et que Kitano ne me déçoit jamais. Par ailleurs, si l’on se met trois fois en scène en train de mourir dans son propre film, cela ressemble à un appel à l’aide. Aidons Takeshi.