En 1953, Mankiewicz en a plus qu'assez d'Hollywood, "ce monde d'inculture", et songe à se tourner vers le théâtre. Il trouve une sorte de compromis en adaptant Shakespeare : "Je crois que, convenablement porté à l'écran aujourd'hui, il en a plus dire, et plus profondément, sur l'être humain et ses rapports avec la société, qu'aucun écrivain vivant ou mort." Son film est entièrement centré autour du meurtre de Jules César, en plein Sénat, et la prise de pouvoir de son "fils spirituel", Marc-Antoine. Mankiewicz n'a procédé à aucun ajout de dialogues et n'a supprimé que quelques scènes de la pièce. On peut difficilement parler de péplum car le cinéaste a réduit les décors à l'essentiel et les scènes de foule sont le plus souvent traitées à travers des gros plans. On retrouve finalement des thèmes récurrents dans l'oeuvre de Mankiewicz : le monde est un théâtre, chaque homme porte un masque, les mots dissimulent la vraie personnalité, la manipulation est inhérente à l'exercice du pouvoir etc. Dans l'univers d'Hollywood, Jules César fait figure d'oiseau rare, le sens du spectacle s'efface devant le pouvoir des mots, Mankiewicz faisant allégeance au génie de Shakespeare. On peut préférer la vision baroque de l'Othello de Welles à l'absence d'effets du Jules César de Mankiewicz, soit, mais les pièces sont très différentes. Dans le casting, Brando constitue évidemment la plus grande surprise. Sorti de l'univers de l'Actor Studio et confronté à des pointures comme Sir John Gielgud, il impressionne et atteint même le sublime dans le discours où il retourne l'opinion contre les assassins de César. Le film est un succès public et Mankiewicz part alors à New York mettre en scène La Bohème de Puccini.