Jules et Jim est un coup de cœur immédiat. La voix off, d’abord, par l’excellence des mots, le raffinement, l’élégance, l’art racé de la description, du portrait, participe à une chronique de la vieille France d’avant-guerre, sans qu’elle soit idéalisée, et nous expose un art de vivre où la tranquillité d’esprit règne. Les dialogues optent pour la même distinction, les protagonistes parlant comme dans un livre. L’exercice suppose un manque de naturel de temps en temps, ce qui n’est jamais réellement handicapant. C’est une authentique histoire d’amitié entre deux dandys, qui préféreront le vouvoiement jusqu’à la fin. Mais cette pratique n’altérera pas chez eux une certaine proximité, une affection sincère, avec un respect partagé qui restera toujours inconditionnel. L’arrivée du personnage de Catherine, interprété par une Jeanne Moreau gracieuse mais insaisissable, parfois à la manière d’un oiseau, d’autres fois à la façon d’un serpent, apporte une configuration amoureuse triangulaire, qui les fait sortir de l’éventail de normes, pour le meilleur et pour le pire. C’est toujours un pari qui se jouera, celui de la communion, de l'accommodement, de la conciliation, de la synergie. Un mariage engendrera des jalousies et des mensonges, des infidélités et des vengeances, des espoirs aussi, globalement sans coups d’éclat manifestes, le tout avec quelques déperditions. Un échange épistolaire tentera une ultime liaison. Mais les perspectives seront obscures, et le sourire de Catherine, mi-ange, mi-démon, pareil à celui de La Joconde : il pourra évoquer la mort, qui se profile à l’horizon. Étrangement, la conclusion, tragique, mortuaire, ne provoque pas d’état de stupéfaction, même si on passe de l'outrance à une réaction inflexible. Le message terminal est saisissant et peut être interprété de la manière suivante : la planète tourne à 1700 km/h. Sans accroche, sans stabilité, sans racines, on perd pied, on s’envole et on subit le tourbillon de la vie.
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