Film de Fred Zinnemann vu à sa sortie en 1978 et jamais revu depuis. J'avais été fortement impressionné par ce film et me désolais de ne pas pouvoir le revoir (comme un certain nombre d'autres films ...).
Et là, 47 ans plus tard, j'ai pu à nouveau m'immerger (avec bonheur) dans ce film, j'ai retrouvé avec plaisir ce qui m'avait séduit dans l'histoire, …
C'est "curieux" comme ce film qui avait été un relatif succès à sa sortie, dans mon souvenir, soit complètement oublié aujourd'hui …
Le scénario est adapté des mémoires de la romancière Lilian Hellman, épouse de l'auteur de polars à succès Dashiell Hammett ("le faucon maltais").
On est dans l'entre-deux-guerres et deux jeunes filles se vouent une grande amitié dans un monde privilégié et une enfance/adolescence de rêve et sans souci. Lilian, la narratrice, admire et envie l'intrépidité et le caractère bien trempé de Julia. Puis les hasards de la vie font que leurs destins prendront des voies différentes lorsque Julia décide de faire ses études à Oxford puis à Vienne. Julia, toujours aussi enthousiaste, devient une opposante au régime hitlérien qui monte en puissance tandis que Lilian connait une vie plus tranquille, avec son époux, dans une maison sur la côte Est des USA, face à l'océan où elle tente d'écrire un roman ou une pièce de théâtre. Lilian aimerait bien revoir Julia et, à l'occasion de voyages en Europe, va tenter de la trouver à Vienne puis à Berlin dans des conditions, à chaque fois, dramatiques.
En termes de contexte, il y a des choses très bien rendues comme la différence d'ambiance entre une Amérique sereine et les bruits de bottes de plus en plus insistants et le climat de peur qui règne en Europe. Zinnemann rend parfaitement compte à travers l'étonnement de Lilian devant cette atmosphère poisseuse qu'un étranger (une touriste américaine) ne peut considérer que comme paranoïaque où les gens se rencontrent discrètement, parlent à voix basse ou à travers des messages anodins. "Dites -moi simplement bonsoir et tout s'organisera". Et la caméra de Zinnemann est bougrement efficace pour épier le regard de tel homme qui d'anodin parait soudain menaçant.
Et le jeu de Vanessa Redgrave dans le rôle de Julia ainsi que le jeu de Jane Fonda dans celui de Lilian ? Remarquables … Les flash-backs récurrents d'images ou de scènes de l'enfance heureuse se juxtaposent avec les situations vécues à l'âge adulte comme de délicieux rappels ou comme des signes.
Pour Vanessa Redgrave, la jeune fille intrépide qui s'agaçait de l'inertie de ses grands-parents, est devenue une femme d'action, une résistante. Les aléas l'ont endurcie. Un beau personnage qui croit en des valeurs démocratiques ou humanistes.
Le personnage joué par Jane Fonda est tout-à-fait passionnant. Tout le monde connait le caractère emporté, passionné et militant de Jane Fonda épousant toutes sortes de causes à commencer la cause indienne. Ici, elle joue un rôle composite. De rage, parce qu'elle n'arrive pas à avancer dans son roman, elle balance sa machine à écrire par la fenêtre (heureusement ouverte). On reconnait bien là, Jane Fonda. Et puis face au personnage de Vanessa Redgrave, qu'elle admirait tant enfant, elle est soudain subjuguée, dépassée par les enjeux. Elle mesure l'écart entre la personnalité de Julia et la sienne. La caméra (indiscrète mais superbe) de Zinnemann nous la montre avec un regard bleu qui se trouble, qui hésite, presque fragile. Elle serait presqu'à contre-emploi si ce n'est que je n'ai pas souvent trouvé autant de traits d'Henry Fonda dans le visage de Jane. Une grande actrice, admirable dans ce film.
"Julia" est un des derniers films de Fred Zinnemann. Je ne serais pas loin de parler de chef d'œuvre.