(8.5/10)

Sorti en 2021 et réalisé par Joachim Trier, Julie (en 12 chapitres), également connu sous son titre original Verdens Verste Menneske (littéralement, "La pire personne au monde"), est un film norvégien qui offre une plongée intime dans la vie d’une jeune femme en quête d’identité. Ce troisième volet de la "trilogie d’Oslo" de Trier, après Reprise et Oslo, 31 août, explore les défis existentiels, les relations amoureuses, et la découverte de soi à travers les yeux de Julie, incarnée brillamment par Renate Reinsve, qui a remporté le prix de la meilleure actrice au Festival de Cannes pour ce rôle.


Julie (en 12 chapitres) est une œuvre touchante et sincère qui parvient à capter avec finesse et profondeur les incertitudes, les erreurs et les transformations que traverse une génération en quête de sens et de liberté. À travers une structure narrative originale et une mise en scène élégante, Joachim Trier dresse un portrait réaliste, complexe et profondément humain d’une femme moderne prise dans les contradictions de son époque. Avec son approche sensible, à la fois mélancolique et joyeuse, le film se distingue comme une exploration subtile des émotions humaines.


Le titre du film fait référence à sa structure narrative : Julie (en 12 chapitres) est divisé en douze segments qui représentent des moments clés de la vie de son héroïne, Julie, entre ses 30 et 35 ans. Ces chapitres permettent d'explorer différentes facettes de son existence, marquée par l’incertitude, les choix difficiles, et les remises en question constantes. Cette division en chapitres n'est pas seulement un dispositif stylistique, mais reflète aussi la fragmentation de la vie de Julie, comme si chaque segment représentait une étape, une version différente de celle qu'elle tente de devenir.


Le film commence par un prologue dans lequel Julie change de cursus universitaire à plusieurs reprises, passant de la médecine à la psychologie, puis à la photographie. Cette indécision initiale pose immédiatement le ton du film : Julie est une femme qui se cherche, qui refuse de se laisser enfermer dans des choix définitifs. Elle aspire à la liberté et à l'exploration, mais se trouve aussi perdue dans une époque où les possibilités semblent infinies mais oppressantes.


Cette structure en chapitres permet à Joachim Trier d'explorer différents moments de la vie de Julie, tout en jouant avec les tonalités. Certains chapitres sont légers, pleins de vie et de spontanéité, tandis que d'autres sont plus sombres et contemplatifs, reflétant les hauts et les bas de l'existence. Cela rend le film particulièrement engageant, car chaque chapitre apporte une nouvelle perspective, un nouveau défi, ou une nouvelle émotion à explorer.


Julie (en 12 chapitres) réussit à capter l'esprit d'une génération en proie à des dilemmes existentiels. Le personnage de Julie est emblématique d'une époque où les attentes sociétales, les idéaux de réussite personnelle, et les pressions sociales se heurtent à un désir de liberté individuelle et de non-conformisme. Julie refuse de se plier aux normes établies — que ce soit dans sa carrière, ses relations amoureuses ou sa vie personnelle — mais cette quête de liberté la laisse souvent dans un état de confusion et de solitude.


Renate Reinsve incarne Julie avec une finesse et une vulnérabilité désarmantes. Elle parvient à capturer la complexité d'un personnage à la fois fort et fragile, qui veut tout explorer mais qui a peur de se fixer, de se conformer ou de se tromper. Julie est une héroïne imparfaite, qui fait des erreurs, qui hésite, qui blesse parfois les autres sans le vouloir. Mais c’est justement cette imperfection qui la rend profondément humaine et attachante. On voit en elle les contradictions de la jeunesse moderne : le désir de se définir par soi-même tout en étant parfois submergée par le poids des attentes extérieures.


Le film aborde également de manière subtile la manière dont Julie se définit à travers ses relations amoureuses. Au début, elle est en couple avec Aksel (Anders Danielsen Lie), un auteur de bande dessinée plus âgé, sûr de lui et déjà bien établi. Leur relation est marquée par l'affection, mais aussi par une certaine incompatibilité générationnelle : Aksel est prêt à fonder une famille et à se stabiliser, tandis que Julie ressent encore le besoin d'explorer le monde et de se découvrir.


Cette différence de rythme dans leur relation illustre l'une des tensions majeures du film : comment concilier l'amour et les aspirations personnelles, surtout quand les deux partenaires sont à des stades différents de leur vie ? Le personnage d'Aksel est particulièrement intéressant car il n'est jamais présenté comme une simple figure antagoniste. Il incarne plutôt les choix que Julie pourrait faire mais auxquels elle n’est pas encore prête, reflétant ainsi les dilemmes universels du passage à l'âge adulte.


L’un des thèmes centraux du film est la manière dont les relations amoureuses façonnent notre identité et notre rapport à nous-mêmes. Après sa relation avec Aksel, Julie rencontre Eivind (Herbert Nordrum), un homme plus proche de son âge, avec qui elle partage une complicité plus spontanée et légère. Le film explore avec sensibilité la transition entre ces deux relations, montrant comment chacune d'elles permet à Julie d'en apprendre davantage sur elle-même.


Trier aborde les relations intimes avec une délicatesse rare, en montrant non seulement les moments de passion et de joie, mais aussi les doutes, les frustrations et les sacrifices qu'elles impliquent. Les scènes entre Julie et Eivind sont particulièrement marquantes, car elles capturent à la fois l'excitation de la nouveauté et l’incertitude qui en découle. À travers ces interactions, le film montre comment les relations peuvent à la fois nous libérer et nous emprisonner.


Ce que Julie (en 12 chapitres) réussit à faire avec brio, c'est éviter les clichés romantiques. Le film ne cherche pas à idéaliser l'amour ou à en faire une solution à tous les problèmes existentiels de Julie. Au contraire, il montre que les relations peuvent être à la fois une source de soutien et un miroir dans lequel on se confronte à ses propres failles et contradictions.


La mise en scène de Joachim Trier est élégante, subtile et souvent inventive. Il utilise la ville d'Oslo non seulement comme un décor, mais comme un personnage à part entière, avec ses rues, ses cafés et ses espaces intérieurs qui reflètent l'état d'esprit de Julie à chaque étape de son parcours. La ville devient à la fois un lieu de liberté et de solitude, une métaphore des choix multiples et des bifurcations qui caractérisent la vie moderne.


L'une des scènes les plus marquantes du film est celle où le temps semble s'arrêter alors que Julie court à travers la ville pour retrouver Eivind. Cette séquence, qui semble suspendue entre le rêve et la réalité, reflète parfaitement l'idée d'un moment d’euphorie où l'on a l'impression que tout est possible, que l'on peut échapper aux contraintes du temps et de la réalité. C’est une métaphore visuelle poignante de la quête de liberté de Julie, un instant où elle semble enfin en harmonie avec ses désirs et ses choix.


Le film alterne habilement entre des moments de légèreté, où Julie expérimente la joie de vivre, et des scènes plus introspectives et mélancoliques, où elle est confrontée à ses doutes et à ses peurs. Cette variation de ton, tout en étant cohérente avec la structure en chapitres, permet de créer une œuvre à la fois captivante et émotionnellement riche.


Julie (en 12 chapitres) est un film profondément ancré dans son époque, qui interroge les défis auxquels sont confrontées les jeunes générations en matière de choix de vie, de liberté individuelle et de quête de sens. À travers le parcours de Julie, Joachim Trier montre à quel point il peut être difficile de se fixer dans un monde où les possibilités sont infinies, mais où les pressions sociales et les attentes de réussite pèsent lourdement.


Le film ne cherche pas à apporter de réponses définitives, mais plutôt à poser des questions, à explorer les contradictions inhérentes à la condition humaine. Julie est un personnage en constante évolution, et le film ne cherche pas à juger ses choix ou à la conduire vers une conclusion moralisatrice. Au contraire, il célèbre son droit à l'erreur, à l’expérimentation, et à la découverte de soi, tout en reconnaissant les moments de douleur et de perte qui accompagnent ce processus.


Julie (en 12 chapitres) est un film magnifiquement écrit et interprété, qui réussit à capturer avec justesse les dilemmes et les incertitudes de la vie moderne. Grâce à une structure narrative inventive et des performances d’acteurs remarquables, notamment celle de Renate Reinsve, Joachim Trier livre une œuvre intime, touchante et sincère.


Julie (en 12 chapitres) est une exploration poétique et complexe de la quête de soi, des relations amoureuses, et des choix qui façonnent notre identité. C’est un film qui résonnera particulièrement chez ceux qui se sentent tiraillés entre les attentes de la société et leurs propres aspirations, tout en offrant un portrait nuancé et profondément humain d’une jeune femme en quête de sens dans un monde en perpétuel mouvement.


CinephageAiguise
8

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il y a 15 heures

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