Leonardo van Dijl réalise avec Julie se tait un premier film important, mais pas aussi engagé qu'il aurait pu l'être.
La mise en scène, joliment constituée de plans légèrement décadrés et fixes, construit un espace stable dans lequel Julie se déplace comme elle veut, comme sur un cour de tennis. D'ailleurs, quand elle s'entraîne ou fait un match, on ne voit jamais son adversaire, comme si au fond, dans cette histoire, elle était elle-même son véritable adversaire. À part une scène où joueuse et entraîneur se revoient (dans un contre-jour appuyé) et quelques appels téléphoniques révélant le caractère de prédateur de Jérémy, son coach écarté du club, il est d'ailleurs absent du film.
L'espace du film est donc pour Julie un territoire de reconquête, non pas physique, mais mental, y compris à l'école (où elle entre et sort comme elle veut) et chez elle. L'effort physique, filmé sans pause et sans triche, représente avec force le parcours psychologique à effectuer : il faut renvoyer la balle de telle sorte qu'en face, l'autre ne puisse pas la renvoyer. Autrement dit, avoir une preuve irréfutable de la victoire.
Voilà la métaphore du film exprimée. Ce qui fait sa force devient cependant sa faiblesse, car il manque une chose après que Julie ait achevé ce parcours mental pour accepter de prendre la parole : son témoignage. Les quelques détails que l'on sait sur le comportement de l'entraîneur écarté laissent champ libre à l'interprétation, au lieu de fixer clairement le délit. C'est dommage, car un spectateur masculin pourrait avoir tendance à minimiser le délit, et une spectatrice à l'aggraver. À moins que ça ne soit pour mettre tout comportement sexuellement criminel sur le même niveau. Cependant, un final comme celui de L'histoire de Souleymane aurait peut-être mis tout le monde d'accord.