À l’aube de ses cinquante ans, Julieta s’apprête joyeusement à s’installer au Portugal avec son compagnon. Mais lorsqu’elle rencontre une amie de sa fille qui lui apprend qu’elle a croisée celle-ci, la bonne dame annule son prochain heureux événement, préférant rester à Madrid ruminer la douloureuse douzaine d’années d’absence de sa progéniture. Dans un souci de productivité, Julieta décide de canaliser sa peine en écrivant une lettre à sa fille afin de tout lui expliquer. Commence alors un flashback retraçant la vie de la malchanceuse et bien malheureuse maman…
Avec ce nouveau film Almodovar marque un grand coup chez l’ensemble des critiques… Mais malheureusement pas au près ses fans number one (nous, vous l’aurez compris). Loin de demander à Pedro de se cantonner à ne faire que du Pedro, notre passion pour cet homme n’a tout de même pu qu’être déçue. Non pas parce qu’ici les travestis et autres grains de folies manquent, mais parce que la multitude de petits détails almodovaresques, quels qu’ils soient, ne sont tout simplement pas là. Avec Julieta, le fier espagnol nous livre le récit aseptisé de la vie un peu pourrie d’une femme et, d’après ce que l’on nous dit, d’une relation mère-fille. Sauf que, l’histoire de l’héroïne n’est vue et racontée qu’au travers de ses propres yeux et à l’ombre de ses souvenirs, sans jamais être mise en lumière par un élément extérieur. La réflexion sur le cycle est évidente, et presque pesante. Ici aucun élément qui marque l’épanouissement n’est présent et le spectateur assiste à une introspection désenchantée des drames qui ruinent inexorablement une vie. En cela le pari est réussi, Almodovar sait parfaitement illustrer son propos et fait brillament passer le message « l’existence c’est juste ça et c’est un peu de la merde quand même ». Mais la désagréable impression que le film ne se résume qu’à ça est un peu déroutante, surtout lorsque Pedro est derrière la caméra. Sans chercher un happy end à tout prix, la problématique ici réside dans cette rétrospective qui tourne à vide et qui, même des années plus tard, n’apporte rien de plus à la réflexion de l’héroïne semblant plus victime qu’actrice de son existence.
Voilà pourquoi même si les intentions sont claires et évidentes, Julieta manque cruellement de vie (un comble lorsque l’on parle d’Almodovar) et en devient presque plat. La relation mère-fille tant ovationnée est certes présente, mais encore une fois uniquement au travers des yeux de la mère. Beaucoup de pistes et de mystères sont lâchés ça et là sans que jamais aucunes explications ne soient données, sans que le récit ne soit jamais alimenté. La présence fantomatique de la fille est étrangement traitée puisqu’elle regorge d’interrogations, tout en restant inexpliquée. Le spectateur se demande ainsi jusqu’à la fin si les éléments vont finir par se développer et si l’ensemble de l’histoire va prendre un sens particulier, puisqu’il est question d’explication à en croire les premiers mots de la lettre de Julieta : « je vais tout expliquer ». La déception ne peut être qu’amère dans la mesure où il ne s’agit que de raconter et non d’expliquer, car que se soit dans le film ou dans son message, d’explication il n’y en a pas, tandis que l’idée de culpabilité et de faute – on pourrait presque parler de pêché originel – tourne à plein régime durant les une heure trente neuf de film.
Malgré la superbe de l’esthétique épurée, le talent, la beauté et la mise en valeur des acteurs orchestrés par la main du maître incontestée, Julieta retombe un peu comme un soufflé. Car dans cette histoire le manque de partage des points de vue ne peut être que regretté, empêchant ainsi les leitmotivs de la hantise du passé et de la malédiction de prendre tout le sens dramatique qu’on aimerait leur donner.
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