6 ans après Twins et 4 ans après Kindergarten Cop, Arnold Schwarzenegger et Ivan Reitman se retrouvent pour une troisième aventure. Après avoir fait de Schwarzy le jumeau de Danny DeVito, puis lui avoir fait affronter une armée de maternelle, la nouvelle bonne idée qui a germé dans les esprits malades de ces héros de l'entertainment est de mettre le Chêne autrichien enceinte ! Oui enceinte... Si cette nouvelle comédie propose un point de départ aussi incongru qu'absurde et promet un grand moment de délire, elle en oublie toutefois quelque chose d'essentiel : être drôle...
Tout commence pourtant sous les meilleurs auspices, on retrouve Ivan Reitman derrière la caméra, on retrouve Arnold devant et l'on retrouve également Danny DeVito derrière Schwarzy ! À ce trio qui avait fait des étincelles se greffe une Emma Thompson absolument craquante dans sa bonne humeur communicative, comme dans sa maladresse et un Frank Langella toujours aussi classieux, bien que très inquiétants. Et pourtant, c'est bien simple, rien ne fonctionne...
Les gags datés, à commencer par un Schwarzy enceinte, font rire durant les premières secondes et son travestissement en femme, bien trop grossier, ne dépasse même pas le palier du sourire de politesse. Le recours au slapstick avec Emma Thompson, qui passe son temps à tomber et à casser des trucs, ne réussit pas à faire illusion bien longtemps... C'est à peu près un gag sur cinq qui fonctionne, et encore...
Le scénario s’avère d'une feignasserie folle, la mise en scène complètement à l'ouest, les acteurs n'y croient pas une seconde et le spectateur, forcément, se désintéresse petit à petit. Et c'est triste à voir en fait, puisque durant 1h50 c'est le souvenir des deux précédentes aventures Schwarzy/Reitman qui reviennent en tête et à aucun moment le niveau n'atteint la qualité de leurs collaborations passées. Mais alors, qu’est-ce qui s’est mal goupillé ?
1994 n'est pas 1988, la logique de production des studios hollywoodiens a totalement changé durant cette période. Elles s'orientent désormais davantage vers des blockbusters spectaculaires et rentables pour abandonnent progressivement les grosses productions portées par des mégastars. Après 10 ans de règne sur le Box Office, Arnold Schwarzenegger connaît en 1994 ses dernières heures de gloire avant de se perdre dans des œuvres mineures et parfois anachroniques (The Eraser, Jingle All the Way, Batman & Robin (sic!), qui restent funs, faut pas déconner). Dès lors, Junior apparaît comme une sorte de chant du cygne des comédies made in eighties,
Un élément positif de ce petit bout de cinéma, aujourd'hui anecdotique, demeure cependant en ce qui concerne sa qualité de témoin de la transition opérée à Hollywood. Pour exemple, en 1994 s'amorce une augmentation exponentielle de la production cinématographique américaine, qui passe de 400/500 films par an dans les années 80 à plus de 1000 à la fin des années 90.
Junior agît en reflet de ce changement radical, qui voit peu à peu la disparition des mégastars des années 80 (Schwarzy et DeVito ne reviendront pas dans la lumière avant la fin des années 2000). De la déception d'une comédie ratée, c'est la triste nostalgie d'une manière de faire révolue, correspondant à la création d’œuvres tendres et légères, qui offre à Junior un charme aussi inattendu que désuet, tel le crépuscule d’une époque. Au fur et à mesure que les minutes passent, c’est sous nos yeux que s’échappe la douceur d’un temps, devenu de plus en plus lointain.
R.I.P eighties !
Le 14 avril 2016
-Stork._